Saga judiciaire autour des sondages de l’Élysée

Commencée en 2009 avec un rapport de la Cour des comptes qui dénonce des irrégularités quant à ces sondages d’opinion, les plaintes se succèdent jusqu’à celle de Patrick Buisson le 11 décembre dernier contre la Garde des Sceaux Christine Taubira. Retour sur cette affaire.

Un rapport de la Cour des comptes publié en 2008 met en cause le contrat passé sans appel d’offre avec le cabinet d’étude de Patrick Buisson, conseiller politique de Nicolas Sarkozy à l’époque, Polifact. La mission confiée à ce cabinet lui permettait de facturer sans contrôle des études d’opinion à l’Élysée. Celles-ci apparaissaient ensuite dans la presse, sans différences, ce qui posait un problème de crédibilité.

Le Parti socialiste souhaite à l’époque la création d’une commission d’enquête parlementaire. Elle ne verra pas le jour puisqu’un amendement voté par les députés UMP de la commission des Finances exclut le budget de l’Élysée du champ d’investigation. C’est en 2010 que les tribunaux sont saisis de cette affaire par l’intermédiaire d’une association, Anticor, qui accuse l’Élysée de favoritisme. Elle est classée sans suite au motif que l’irresponsabilité pénale du chef de l’État s’étend aux « actes effectués au nom de la présidence de la république par ses collaborateurs ». L’association décide de ne pas s’arrêter là et se constitue directement partie civile avec une seconde plainte. Celle-ci se heurte à un appel du parquet qui estime qu’une enquête préliminaire ne peut être ouverte si celle-ci mène à troubler l’immunité du président de la République. Anticor se pourvoit en cassation.

En 2012, un ancien maire adjoint écologiste, Raymond Avrillier, saisit le Conseil d’Etat pour forcer l’Élysée à lui livrer les détails des commandes de sondages passées entre 2007 et 2009. Le tribunal administratif accède à sa demande et révèle ainsi qu’une partie de ces 264 sondages ne porte pas seulement sur l’image de la présidence. Ces révélations posent un autre problème : l’utilisation qui est faite de l’argent public. Anticor décide donc de rédiger une nouvelle plainte contre X en y ajoutant l’accusation de détournement de fonds. Le 11 décembre dernier Patrick Buisson, porte plainte contre la Garde des Sceaux Christine Taubira au motif que cette dernière est restée membre du comité de parrainage de l’association Anticor, estimant qu’il s’agit là d’une « prise illégale d’intérêt ».

Cet emballement pose question quant à l’intérêt qui doit être porté par les politiques à l’opinion publique. En effet, celle-ci semble prendre une place démesurée dans l’exercice du pouvoir, surtout quand l’Élysée commande des sondages sur la grossesse de Rachida Dati ou le mariage de Carla Bruni et Nicolas Sarkozy. Au delà de l’opportunité d’utiliser des fonds public pour ce genre d’étude, on peut se demander pourquoi ces sondages ont été commandés ? Comment ces études d’opinion peuvent elles avoir un intérêt pour le parti en place ? Le 19 décembre la cour de cassation se prononcera sur la plainte d’Anticor et permettra peut être l’ouverture d’une enquête judiciaire qui fera la lumière sur cette affaire.