En octobre 2011, des policiers lyonnais et grenoblois, dont le commissaire de police Christophe Gavat, alors chef de la PJ de Grenoble, sont placés en garde à vue pendant quatre jours et mis en examen pour « association de malfaiteurs », « trafic de stupéfiants », « détournement de scellés » et « vol en réunion », dans le cadre de « l'affaire Neyret ».
L'inspection générale des services (IGS) suspecte les policiers d avoir détourné de la drogue, sur ordre de leur supérieur, le commissaire divisionnaire Michel Neyret, numéro Deux de la police judiciaire de Lyon, afin de rétribuer des indicateurs. Christophe Gavat n est plus celui qui interroge. Les rôles se sont inversés. Pendant ces 96 heures, il fait le bilan de ses 25 ans de carrière : beaucoup de cadavres, la vie de famille réduite à peau de chagrin, les missions ingrates, les moqueries, le mépris, la ligne jaune à ne pas franchir, les injustices quand le flic devient bouc émissaire, la complexité du système judiciaire, les vices de procédure, le rôle des informateurs, les planques…
Chapitre 2, P43-44
29 Septembre 2011, Grenoble, 12h00 sur i-télé : « Le commissaire divisionnaire Michel Neyret a été interpellé à son domicile, ce matin, en Isère. Placé en garde à vue par la police des polices de Paris, le numéro deux de la PJ de Lyon est soupçonné de corruption, trafic de drogue et association de malfaiteur. C’est un coup de tonnerre dans la police, on retrouve nos envoyés spéciaux dans les locaux de la police de Lyon. »
« Christophe », c’est la première fois que le directeur central m’appelle par mon prénom. Je ne sais pas si ‘est bon ou mauvais signe. « Christophe, le plus important maintenant c’est que chacun sauve sa peau… »
Que je sauve ma peau ? Mais de quoi s’agit-il exactement, monsieur le directeur central ? « Je ne vais pas vous la faire à l’envers Christophe, Michel est accroché. Ils le tiennent. Pour vous, je ne sais pas ce qu’il y a exactement dans le dossier. Mais il semble que ce soit plus fragile. Faites ce que vous pouvez, maintenant c‘est chacun pour soi. Sauvez vos couilles de là. Tant qu’on le pourra, on sera derrière vous. » A l’époque, je n’ai pas compris tous les messages qu’il a voulu me faire passer, ils ont pris sens plus tard, mais je dois reconnaître qu’il a toujours été là.
Le soir, abasourdi, je me rends chez mes parents Effarés d’apprendre que je me suis mêlé à l’affaire dite « Neyret ». Ils habitent dans un petit village à côté de Lyon. Tous deux professeurs de langue à la retraite. Papa d'allemand, maman d’anglais. Je ne parle ni l’un, ni l’autre. Nous étions six enfants. Pas le temps de parler une langue étrangère à la maison. Plutôt le langage « famille nombreuse », vannes et coups de poings entre frangins, protection des petites sœurs… à condition qu’elles nous présentent leur copines ! L’humour en bandoulière, pour ne pas dire en héritage et l’amour comme ciment familial.
Nous étions dans la même école. Parents et enfants. Papa avait l’habitude de dire : « Les Gavat, c’est comme la SNCF, un Gavat peut en cacher un autre ! ». Aujourd’hui, personne ne se cache. Quand un membre est touché c’est toute la famille qui est atteinte.
« 96 Heures : un commissaire en garde à vue », Editions Michalon, 18 Euros