Instruction en famille (IEF) : décryptage d’un recours face à l’administration

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Instruction en famille (IEF) : décryptage d’un recours face à l’administration | Juriguide

Face à la multiplication des refus d’autorisation d’instruction en famille (IEF), une action individuelle portée par le cabinet David Guyon propose un recours juridique ciblé. De quoi s’agit-il exactement ? Quelle procédure ? Quelles chances de succès ?

Un cadre légal restrictif depuis 2021

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021, l’instruction en famille (IEF) est conditionnée à une autorisation préalable délivrée par l’administration. Cette disposition a abrogé le régime déclaratif antérieur, imposant aux familles de justifier leur demande par l’un des quatre motifs limitativement énumérés à l’article L.131-5 du Code de l’éducation :

  • État de santé ou handicap de l’enfant ;
  • Pratique d’activités sportives ou artistiques intensives ;
  • Itinérance de la famille ou éloignement géographique d’un établissement scolaire ;
  • Situation propre à l’enfant motivant un projet éducatif spécifique.

Dans les faits, le quatrième motif – le plus fréquemment invoqué – fait l’objet d’une interprétation stricte par de nombreuses académies, donnant lieu à des refus massifs.

L’action individuelle : un levier contentieux structuré

Le dispositif initié par le cabinet Guyon repose sur des recours gracieux et contentieux successifs, à l’initiative des familles dont la demande d’autorisation d’IEF a été rejetée.

  1. Recours gracieux administratif : adressé au DASEN (Directeur académique des services de l’Éducation nationale) dans les deux mois suivant la notification du refus, il vise à obtenir une révision de la décision sans saisir le juge.
  2. Recours hiérarchique : facultatif, adressé au recteur d’académie ou au ministère.
  3. Recours contentieux devant le tribunal administratif : si les recours administratifs échouent, l’affaire peut être portée devant le juge administratif, sur la base d’une violation du droit à l’éducation, d’une erreur manifeste d’appréciation, ou d’une atteinte au principe d’égalité.

L’action ne prend donc pas la forme d’un recours collectif ou d’une class action, mais s’appuie sur une série de dossiers individuels traités de façon centralisée, avec mutualisation des arguments, des jurisprudences et des expertises.

Quels fondements juridiques sont invoqués ?

L’argumentaire juridique développé repose notamment sur :

  • L’article 26-3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) : « Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants. »
  • La Convention européenne des droits de l’homme (article 2 du Protocole n° 1).
  • Le principe d’égalité devant la loi (article 1er de la Constitution).
  • La jurisprudence du Conseil d’État (décision n° 467550 du 13 décembre 2022) qui impose une évaluation contextualisée et non arbitraire des projets pédagogiques familiaux.

Une contestation fondée sur des données préoccupantes

D’après les données publiées par le Sénat le 18 mars 2024, 35 784 demandes d’IEF ont été déposées pour l’année scolaire 2024-2025. 22 963 ont été acceptées, soit un taux global d’acceptation de 74,1 %.

Ce taux moyen masque de fortes disparités territoriales : certaines académies acceptent jusqu’à 90 % des demandes, d’autres plafonnent à 55 %. La plupart des contentieux portent sur le motif 4, jugé “trop flou” par les familles, qui ont parfois du mal à faire confiance au système scolaire, et “insuffisamment étayé” par les rectorats.

En 2023, la médiatrice de l’Éducation nationale, Catherine Becchetti-Bizot, a enregistré plus de 300 réclamations liées à l’IEF, soit une multiplication par dix par rapport à 2022.

Quelle efficacité espérer ?

L’action individuelle permet d’abord une cristallisation contentieuse des refus, dans un contexte où les procédures varient selon les rectorats. En cas de succès, une décision favorable du tribunal administratif peut :

  • Obliger l’administration à délivrer l’autorisation d’IEF ;
  • Ouvrir droit à une indemnisation pour préjudice moral ou matériel ;
  • Créer une jurisprudence locale favorable.

L’objectif du cabinet Guyon est aussi stratégique : enchaîner plusieurs victoires dans différents ressorts pour forcer une réévaluation des pratiques ministérielles. En effet, les recommandations issues des juridictions administratives pèsent lourd dans la refonte des circulaires et notes de service.

Loin d’être symbolique, l’action engagée offre un outil concret aux familles. Elle met en lumière les limites actuelles du dispositif d’autorisation, tout en exploitant les failles juridiques ouvertes par la jurisprudence. Si elle ne garantit pas un changement législatif immédiat, elle constitue une réponse procédurale efficace, susceptible d’induire des évolutions pratiques au niveau administratif.

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