Plainte de l’UFC-Que Choisir contre SFAM : fondement juridique, régime pénal et perspectives

La procédure engagée repose sur l’article 85 du Code de procédure pénale, permettant à toute personne ayant personnellement souffert d’un préjudice causé par une infraction d’adresser une plainte avec constitution de partie civile directement au doyen des juges d’instruction.

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Plainte de l’UFC-Que Choisir contre SFAM : fondement juridique, régime pénal et perspectives | Juriguide

Le 6 mai 2025, l’association UFC-Que Choisir a déposé une plainte avec constitution de partie civile auprès du parquet de Paris visant plusieurs infractions pénales graves à l’encontre de la société SFAM (Société française d’assurances multirisques), devenue depuis Indexia.

Cette initiative intervient dans un contexte judiciaire déjà nourri : le 17 décembre 2024, le tribunal correctionnel de Paris avait reconnu la culpabilité de SFAM, FORIOU, HUBSIDE, SERENA (A.M.P), CYRANA, SFK Group et de M. Sadri FEGAIER pour pratiques commerciales trompeuses. La liquidation judiciaire de SFAM a été prononcée le 24 avril 2024 par le tribunal de commerce de Paris. La nouvelle procédure pénale engagée par l’association, distincte du précédent jugement, vise un ensemble de faits distincts, plus larges, et à la qualification juridique renforcée.

Cadre juridique des infractions visées dans la plainte

L’UFC-Que Choisir fonde sa plainte sur cinq qualifications pénales principales, dont les textes de référence sont les suivants :

a) EscroquerieArticle 313-1 du Code pénal

« L’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque. »

  • Peine encourue : 5 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende.
  • En cas de bande organisée : jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 1 million d’euros d’amende (art. 313-2).

b) Faux et usage de fauxArticles 441-1 et suivants du Code pénal

« Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression. »

  • L’usage du faux est puni des mêmes peines que le faux (3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende).

c) Abus de confianceArticle 314-1 du Code pénal

« L’abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui avaient été remis et qu’elle avait acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé. »

  • Peine encourue : 3 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende.

d) Traitement illicite de données à caractère personnelArticle 226-16 du Code pénal

« Le fait de procéder ou de faire procéder à un traitement de données à caractère personnel sans respecter les formalités préalables prévues par la loi est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. »

  • Ce délit est applicable notamment en cas de transfert non autorisé d’informations bancaires à des tiers, comme allégué dans la plainte.

e) Association de malfaiteursArticle 450-1 du Code pénal

« Constitue une association de malfaiteurs tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement. »

  • Peine encourue : 10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.

Spécificité procédurale : plainte avec constitution de partie civile

La procédure engagée repose sur l’article 85 du Code de procédure pénale, permettant à toute personne ayant personnellement souffert d’un préjudice causé par une infraction d’adresser une plainte avec constitution de partie civile directement au doyen des juges d’instruction.

L’intérêt de cette voie procédurale est double :

  • Elle permet l’ouverture d’une information judiciaire, même en cas d’inaction du parquet.
  • Elle mobilise l’instruction et offre des droits renforcés à la partie plaignante (accès au dossier, demandes d’actes, etc.).

L’UFC-Que Choisir agit ici en tant qu’association agréée de défense des consommateurs, en application de l’article L. 621-1 du Code de la consommation. Elle peut, dans ce cadre, agir devant toutes juridictions au nom des consommateurs qu’elle représente.

Conséquences civiles potentielles : réparation des préjudices

Outre l’aspect répressif, l’enjeu est également indemnitaire. Selon les éléments disponibles, 561 consommateurs se sont joints à la plainte, dans le but d’obtenir réparation du préjudice financier consécutif aux prélèvements illicites subis.

Ces préjudices sont constitués :

  • du montant des sommes indûment perçues,
  • des frais de rejet bancaire ou de mise en opposition,
  • et, dans certains cas, d’un préjudice moral en raison de l’acharnement commercial ou de l’impossibilité à faire valoir ses droits contractuels.

La reconnaissance de l’une des infractions citées permettrait aux plaignants d’invoquer la responsabilité délictuelle de la société et de ses dirigeants (articles 1240 et 1242 du Code civil).

Portée économique et systémique de la plainte

Au-delà des faits, cette procédure pénale interroge le modèle économique de l’entreprise SFAM, accusé d’avoir intégré dans son fonctionnement :

  • des mécanismes contractuels complexes et déséquilibrés,
  • un recours extensif à des pratiques de vente dissimulées ou non sollicitées,
  • et des modalités de résiliation particulièrement restrictives.

En ce sens, la plainte pourrait aboutir à une requalification globale du comportement de la société en système frauduleux organisé, ouvrant potentiellement la voie à une action de groupe future, prévue par l’article L. 623-1 du Code de la consommation.

État de la procédure à ce jour

À la date du 6 mai 2025 :

  • La plainte a été enregistrée au parquet de Paris.
  • L’information judiciaire est en cours d’analyse par le pôle économique et financier.
  • La société SFAM étant en liquidation judiciaire, elle sera représentée par les mandataires désignés.
  • Les dirigeants en exercice à l’époque des faits pourraient être mis en examen en tant que personnes physiques.

L’action pénale initiée par l’UFC-Que Choisir contre SFAM marque une nouvelle étape dans le traitement juridique de ce scandale, en élargissant la portée des qualifications et en mobilisant pleinement l’arsenal pénal applicable aux abus commerciaux. Elle rappelle, en filigrane, que la défense des droits économiques des consommateurs peut légitimement s’appuyer sur le droit pénal lorsqu’il s’agit de pratiques systématiques, organisées, et potentiellement concertées.

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