Scandale Apollonia : une première condamnation au civil

Le 9 mai 2025, la cour d’appel de Paris a prononcé une décision attendue dans l’affaire dite « Apollonia ». Il s’agit de la première reconnaissance, en matière civile, de la responsabilité d’un notaire et de ses assureurs dans le cadre de ce vaste dossier de commercialisation frauduleuse d’investissements immobiliers.

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Le 9 mai 2025, la cour d’appel de Paris a prononcé une décision attendue dans l’affaire dite « Apollonia ». Il s’agit de la première reconnaissance, en matière civile, de la responsabilité d’un notaire et de ses assureurs dans le cadre de ce vaste dossier de commercialisation frauduleuse d’investissements immobiliers.

Dans un arrêt du 9 mai 2025, la cour d’appel de Paris a condamné solidairement la société civile professionnelle (SCP) notariale Dubost-Jourdeneaud-Rouvier et ses assureurs, MMA IARD, AXA France IARD, ALLIANZ IARD et GENERALI IARD, à verser à M. Franklin Durietz et Mme Aline Poly une indemnité globale de 625 781 euros. Cette décision intervient dans le cadre du contentieux civil initié par les victimes du dispositif Apollonia, mis en œuvre entre 2004 et 2010.

Ce contentieux repose sur des opérations de défiscalisation dans l’immobilier ancien, proposées par la société Apollonia, qui ont conduit plusieurs centaines d’acquéreurs à souscrire des crédits importants pour financer des logements vendus à des prix largement surévalués. Le schéma mis en place reposait sur la signature d’actes notariés, la souscription de prêts bancaires et la promesse de garanties de rentabilité locative. Le tout s’est souvent avéré sans fondement économique réel.

Responsabilité professionnelle du notaire retenue

La cour d’appel a jugé que Me Jourdeneaud, notaire ayant instrumenté les ventes contestées, avait commis une faute professionnelle. Le grief principal relevé tient à l’absence de vérification des conditions de la garantie d’achèvement prévue par le Code de la construction et de l’habitation. En ne s’assurant pas de l’effectivité de cette garantie lors de la vente de lots situés à Saint-Maur-des-Fossés, le notaire a, selon la juridiction, manqué à son obligation de conseil et de protection à l’égard des acquéreurs.

Cette faute est d’autant plus lourde qu’elle portait sur un élément fondamental de sécurité juridique pour les acquéreurs. En effet, la garantie d’achèvement constitue un garde-fou essentiel pour éviter que des acquéreurs se retrouvent avec des biens non livrés, alors même que les sommes engagées ont été versées.

Indemnisation des préjudices subis

La juridiction a accordé aux demandeurs une indemnisation intégrale de leurs préjudices financiers. Cela inclut le remboursement du prix d’acquisition, mais également des frais annexes. Plus précisément, le notaire et ses assureurs ont été condamnés à verser 50 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance, ainsi que 15 000 euros pour ceux relatifs à la procédure d’appel. À cela s’ajoute la condamnation aux dépens des deux instances.

Cette approche indemnitaire illustre la volonté de la cour de réparer l’intégralité du dommage subi, sans laisser à la charge des victimes les coûts procéduraux engagés pour faire valoir leurs droits.

Un précédent civil en amont du procès pénal

Cette décision s’inscrit dans un contexte judiciaire plus large. L’affaire Apollonia fait actuellement l’objet d’une instruction pénale ouverte depuis plusieurs années. Le procès devant le tribunal correctionnel de Marseille est annoncé pour l’année 2025. Il vise plusieurs dirigeants de la société Apollonia, ainsi que divers notaires et intermédiaires financiers, poursuivis notamment pour escroquerie, abus de confiance et complicité.

La condamnation prononcée par la cour d’appel de Paris crée un précédent important pour les autres procédures civiles en cours. Elle pourrait servir de fondement pour les juridictions saisies de cas similaires, en particulier sur la reconnaissance de la faute notariale dans le cadre d’un dispositif contractuel défaillant.

Conséquences potentielles sur les assureurs

L’implication des assureurs dans cette condamnation est également significative. Le fait que les compagnies aient été solidairement condamnées pourrait ouvrir la voie à de nouvelles actions dirigées contre les couvertures professionnelles souscrites par les notaires concernés. Cela soulève par ailleurs la question de l’évaluation des responsabilités respectives entre le professionnel instrumentaire et ses assureurs, en fonction des polices et des plafonds de garantie.

Un contentieux de masse en mutation

Au total, ce litige s’insère dans un ensemble de procédures civiles, prud’homales, fiscales et pénales qui ont émergé à partir de 2010. Plus de 700 investisseurs affirment avoir été lésés par le dispositif Apollonia. Le montant total des préjudices allégués dépasserait le milliard d’euros. Après une décennie de stagnation, cette décision pourrait catalyser une dynamique nouvelle dans la reconnaissance juridique des responsabilités.

L’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris constitue ainsi une étape importante dans le traitement judiciaire de l’affaire Apollonia. Il clarifie les obligations du notaire en matière de vérification des garanties d’achèvement et envoie un signal fort aux professionnels intervenant dans les opérations de défiscalisation immobilière. Si d’autres juridictions suivent cette orientation, les perspectives de réparation pourraient s’élargir pour les nombreux plaignants encore en attente de décision.

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