Madleen : l’interception israélienne viole-t-elle le droit international ?

Le droit de la mer, le droit humanitaire international et les règles de la navigation en temps de guerre forment un échiquier complexe. En arraisonnant le voilier Madleen, Israël soulève une question juridique brûlante : a-t-il franchi la ligne rouge du droit international ?

Publié le
Lecture : 3 min
Madleen Droit International
Madleen : l’interception israélienne viole-t-elle le droit international ? | Juriguide

Une opération militaire controversée

Le 9 juin 2025, le navire Madleen, affrété par la Freedom Flotilla Coalition, est intercepté par l’armée israélienne alors qu’il approchait des eaux au large de la bande de Gaza. À son bord, douze civils de nationalités diverses, dont l’activiste suédoise Greta Thunberg et l’eurodéputée Rima Hassan, tentaient de « briser le blocus » imposé par Israël.

Selon Le Parisien, l’interception aurait eu lieu en haute mer, ce qui constitue l’un des points les plus contestés juridiquement : Israël a-t-il agi en dehors de sa juridiction territoriale maritime ?

Le cadre juridique du blocus naval

Le droit international permet, sous conditions strictes, l’instauration d’un blocus maritime. La San Remo Manual on International Law Applicable to Armed Conflicts at Sea (1994) définit les règles encadrant un tel dispositif. Pour qu’un blocus soit légal, il doit :

  1. Être déclaré formellement.
  2. Être effectif.
  3. Respecter le principe de proportionnalité.
  4. Ne pas viser à affamer la population civile.

Or, dans le cas de Gaza, plusieurs ONG et agences onusiennes – notamment l’Organisation mondiale de la santé – dénoncent une situation de famine provoquée par les restrictions à l’aide humanitaire. La rapporteuse spéciale de l’ONU, Francesca Albanese, a ainsi tweeté le 9 juin : « Chaque port méditerranéen devrait envoyer des bateaux avec de l’aide. Briser le blocus est un devoir légal pour les États ».

L’arraisonnement en haute mer : illégal au regard du droit maritime ?

L’un des principes fondamentaux de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) est que la haute mer est ouverte à tous les États, sans qu’aucun ne puisse en revendiquer l’exercice exclusif de juridiction.

Sauf cas particuliers – comme la piraterie ou le trafic d’armes avéré – un État ne peut intercepter un navire battant pavillon étranger en haute mer. Or, selon LFI, l’arraisonnement du Madleen s’est produit hors des eaux territoriales israéliennes, ce qui constituerait une violation manifeste de la liberté de navigation.

L’obligation de protéger les civils

Le droit international humanitaire, tel que codifié par les Conventions de Genève, impose des obligations précises : protéger les civils, garantir l’accès humanitaire et éviter tout acte pouvant provoquer des souffrances injustifiées.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), dans sa publication « Un droit dans la guerre ? », rappelle qu’« l’acheminement de secours humanitaires ne peut être arbitrairement empêché sous prétexte de sécurité nationale ».

Or, la Freedom Flotilla Coalition affirme que le Madleen transportait des biens non militaires, des médicaments et des observateurs civils. La coupure délibérée des communications, le transfert des passagers sous contrainte et l’absence d’inculpation révèlent une posture coercitive incompatible avec les principes de proportionnalité et de distinction.

Quid de la responsabilité d’Israël ?

Israël argue qu’il agit pour empêcher l’acheminement d’armes vers le Hamas. Mais cette logique préventive ne peut justifier une privation de liberté sans décision judiciaire ou motif clair, surtout lorsque les personnes visées sont des ressortissants européens civils, comme Rima Hassan.

La Cour internationale de Justice (CIJ) a rappelé à plusieurs reprises que la sécurité nationale ne peut servir de justification générale à des violations systématiques du droit humanitaire.

Dans ce contexte, des avocats israéliens ont été mandatés pour faire valoir les droits des passagers, comme l’a déclaré Manon Aubry sur BFMTV.

Vers une procédure internationale ?

La France a sollicité un accès consulaire et un retour rapide de ses ressortissants. Mais aucune annonce n’a été faite quant à une procédure internationale contre Israël. La question pourrait être portée devant le Conseil de sécurité ou la CIJ, mais nécessite une initiative politique.

En revanche, la mobilisation de la société civile, des ONG et d’élus européens ouvre la voie à des plaintes individuelles ou collectives devant des juridictions nationales ou la Cour européenne des droits de l’homme.

Suivez-nous sur Google NewsJuriguide. Soutenez-nous en nous ajoutant à vos favoris Google Actualités.

Laisser un commentaire