Le 25 septembre 2025, un accord inédit met fin au bras de fer judiciaire
C’est à Seattle, devant un tribunal fédéral, que s’est joué un des plus grands contentieux entre Amazon et les autorités américaines. Le 25 septembre 2025, la société a accepté de payer une amende totale de 2,5 milliards de dollars afin de clore un procès initié par la Federal Trade Commission (FTC). L’affaire portait sur des accusations de pratiques commerciales trompeuses, visant à abonner de force des clients à son service Amazon Prime.
D’après la FTC, l’entreprise aurait délibérément masqué des informations clés sur les modalités d’adhésion. Le coût mensuel de 15 dollars, par exemple, n’était pas clairement affiché. De plus, des millions de clients se sont retrouvés inscrits sans en avoir pleinement conscience, souvent après avoir cliqué sur des boutons ambiguës. Selon Reuters, la période visée s’étend du 23 juin 2019 au 23 juin 2025, et concerne près de 35 millions d’abonnés potentiels.
Les autorités reprochent également à Amazon d’avoir mis en place un système volontairement complexe pour résilier l’abonnement, surnommé en interne « Iliade ». La désinscription nécessitait plusieurs étapes fastidieuses, contrastant avec la facilité de souscription. Une pratique qualifiée de « piège à souscription » par la FTC.
Une somme record, répartie entre pénalité et remboursement aux clients lésés
Ce montant astronomique versé par Amazon n’est pas une simple amende punitive. Selon les détails rendus publics par la FTC, 1 milliard de dollars (environ 856 000 000 euros) seront versés au Trésor américain en tant que pénalité civile, tandis que 1,5 milliard (1,28 milliard d’euros) seront alloués aux remboursements des abonnés abusés. Cette répartition répond à une exigence de réparation directe envers les consommateurs, en plus de la sanction réglementaire.
Dans son communiqué, la FTC a qualifié cette sanction de « plus importante jamais imposée » dans une affaire de ce type. L’agence de régulation a insisté sur la gravité des faits et leur impact systémique sur les consommateurs. Andrew N. Ferguson, membre de la Commission, a déclaré :
« Les éléments de preuve ont montré qu’Amazon utilisait des pièges à souscription sophistiqués conçus pour manipuler les consommateurs afin qu’ils s’abonnent à Prime, puis rendait extrêmement difficile pour eux de résilier leur abonnement.» (FTC, 25 septembre 2025).
Les modalités du remboursement ont également été clarifiées. Chaque client éligible recevra 51 dollars automatiquement, à condition d’avoir utilisé moins de trois avantages Prime dans l’année suivant la souscription. Ceux qui ne remplissent pas ces critères auront la possibilité de faire une demande manuelle. Un superviseur indépendant sera désigné pour veiller à la transparence du processus, selon les informations de la FTC.
Un accord sans aveu de culpabilité, mais lourd de conséquences pour l’image d’Amazon
Si Amazon a consenti à payer 2,5 milliards de dollars, le groupe précise que l’accord n’équivaut pas à une reconnaissance de culpabilité. L’entreprise maintient que ses pratiques étaient conformes à la loi. Dans un communiqué relayé par plusieurs médias, le groupe affirme :
« Amazon et nos dirigeants ont toujours respecté la loi, et cet accord nous permet d’aller de l’avant et de nous concentrer sur l’innovation au service de nos clients » (HuffPost, 25 septembre 2025).
Néanmoins, les documents produits durant l’enquête jettent une lumière crue sur les méthodes internes du géant du commerce. La FTC a dévoilé des échanges internes dans lesquels certains employés qualifiaient la stratégie d’abonnement d’« un cancer dont on ne parle pas» ou affirmaient que « Le développement des abonnements est une zone quelque peu douteuse ». Ces propos renforcent les soupçons sur une culture d’entreprise tolérant, voire favorisant, les pratiques agressives pour gonfler le nombre d’abonnés.
Le juge fédéral John Chun, chargé de superviser le dossier, a déjà critiqué Amazon en juillet 2025 pour avoir retenu des milliers de documents, en invoquant abusivement le secret professionnel. Il avait qualifié cette stratégie de « bad faith » (de mauvaise foi), renforçant ainsi l’hostilité du tribunal à l’égard de l’entreprise.
Un revirement réglementaire imposé : refonte des pratiques d’abonnement
Au-delà du simple paiement, l’accord engage Amazon à revoir profondément son processus d’abonnement. La FTC exige désormais que la plateforme affiche de manière claire et explicite le coût, la fréquence de facturation, la reconduction automatique, ainsi que la possibilité immédiate de refuser l’abonnement. Le bouton « Non merci » devra être visible, lisible, et ne plus prêter à confusion.
De plus, le processus de désinscription devra utiliser le même canal que l’inscription, afin de garantir une symétrie entre les deux démarches. La simplification de la résiliation est l’une des exigences clés imposées par l’agence.
Cet accord est perçu comme un tournant dans la régulation du e-commerce, en particulier sur la question des dark patterns – ces interfaces conçues pour manipuler l’utilisateur. Les experts estiment qu’il pourrait faire jurisprudence et obliger d’autres plateformes à revoir leurs pratiques.
L’affaire souligne également une fracture entre les géants technologiques et les régulateurs, ces derniers étant désormais plus déterminés à sanctionner les abus systématiques affectant les droits des consommateurs.








