Djibouti : Abdourahman Boreh victime d’une persécution judiciaire ?

Abdourahman Boreh est un homme d'affaires originaire de Djibouti, l'un des plus riches du continent africain. Depuis plusieurs années, il vit en exil à Londres, faisant l'objet de poursuites judiciaires initiées par son pays. D'abord accusé de corruption, il est aujourd'hui suspecté d'avoir participé à un attentat terroriste, remontant à 2009. Le gouvernement djiboutien a mandaté un cabinet d'avocats londonien pour poursuivre M. Boreh. Problème : le cabinet vient de reconnaître avoir falsifié les documents incriminant l'homme d'affaires…

Des documents falsifiés

Ce fut une véritable humiliation. Peter Gray, avocat associé au sein du cabinet Gibson Dunn a reconnu devant la Haute cour britannique avoir falsifié les dates de documents incriminant Abdourahman Boreh, suspecté d'avoir participé à l'organisation d'un attentat à la grenade dans un magasin de Djibouti en mars 2009. Il s'agit de retranscriptions de conservations téléphoniques. D'après le document, elles dateraient du lendemain de l'attentat, alors qu'elles remontent en réalité à une date antérieure.

En 2013, la justice britannique, par l'intermédiaire du juge Flaux avait ordonné le gel de 100 millions de dollars appartenant à Abdourahman Boreh, sur la base de ces documents. Il aura donc fallu quelque 18 mois de procédure judiciaire pour que la défense de l'homme d'affaires djiboutien puisse prouver la bonne foi de son client, au cours du contre-interrogatoire de Peter Gray. Accusé par l'avocat de M. Boreh d'avoir été jusqu'à élaborer une « stratégie » visant à étouffer cette confusion de dates, Peter Gray a admis les faits.

« Nous nous étions entendus sur cette stratégie et cela n'a pas du tout fonctionné. Vraiment pas. Nous avons commis une erreur spectaculaire. J'ai commis une erreur spectaculaire. Et je regrette profondément avoir commis cette erreur de jugement », a-t-il ainsi déclaré, relayé par le site spécialisé The Lawyer.

L'avocat du Djibouti poursuivi en justice ?

Il appartient désormais au juge Flaux de se prononcer sur le caractère intentionnel de cette erreur, qui a conduit la Cour à rendre un jugement biaisé à l'encontre d'Abdourahman Boreh. Si tel devait être le cas, il va de soi que maitre Gray serait poursuivi en justice, et son cabinet infiniment plus couvert de honte.

Pour l'heure, Gibson Dunn s'est contenté d'un simple communiqué rappelant les principes d'intégrité et d'éthique qui animent le cabinet depuis sa création. « Gibson Dunn est une firme qui s'impose les plus hauts standards d'intégrité, de professionnalisme et d'éthique dans l'exercice de ses fonctions, pour ses clients et devant la Cour. Nous étudions avec la plus grande attention les preuves présentées lors de l'audience et notre avocat présentera les positions de la firme sur ce sujet ».

Le cabinet Gibson Dunn avait été engagé par le gouvernement djiboutien entre autres car il dispose de bureaux dans plusieurs villes comme Paris, Dubai et Singapour, dans lesquelles M. Boreh détiendrait également des avoirs. Et la dispute judiciaire entre l'Etat du Djibouti et Abdourahman Boreh semble être partie pour durer dans la mesure où le pays reproche également à l'homme d'affaires d'avoir pratiqué l'évasion fiscale à grande échelle.

Une persécution politique ?

Un nouveau procès est théoriquement prévu au Royaume-Uni pour l'automne prochain sur ces charges. Mais, de toute évidence, le camouflet de la première procédure judiciaire conforte la défense d'Abderrahman Boreh. Ce dernier apparait en effet comme une cible de choix pour le régime djiboutien en ce qu'il est considéré comme « l'homme d'affaires le plus riche d'Afrique », qu'il vit en exil à Londres et, surtout, qu'il est affilié à l'opposition politique du Djibouti.

Cette dernière a été largement réduite au silence depuis l'arrivée au pouvoir d'Ismaïl Omar Guelleh, il y a 16 ans. Constamment réélu à la présidence sur des scores souvent soviétiques, M. Guelleh a même orchestré un changement constitutionnel afin de pouvoir briguer un nouveau mandat en 2010. La neutralisation d'Abderrahman Boreh pourrait ainsi avoir une « justification » politique pour le régime djiboutien.