Directive tabac : les lobbyistes européens ont-ils déjà gagné ?

Le texte de la Commission s’écarte totalement de la convention-cadre de l’OMS, qui interdit toute influence des cigarettiers dans les mécanismes de traçabilité des paquets.

C’est un cas d’école parmi tant d’autres. Mais il est parfaitement éclairant. L’épisode en cours de la directive sur le tabac, dont la Commission européenne vient de terminer la rédaction, est un modèle d’entreprise lobbystique à montrer dans toutes les écoles d’affaires publiques. Tous les ingrédients sont réunis. De l’industrie vorace qui ne rechigne pas à flirter avec l’illégalité aux immenses intérêts économiques en jeu, en passant par la manipulation décomplexée du législateur et, malheureusement, ses conséquences potentiellement désastreuses.

Codentify

Depuis quelques mois, les discussions vont bon train à Bruxelles pour savoir comment réguler le secteur du tabac. Avec un objectif principal : diminuer, voire supprimer totalement le commerce illicite de cigarettes, phénomène planétaire, mais qui intéresse fortement l’Union européenne (UE). Problème : il va de soi que la réduction des ventes de tabac n’est pas un objectif partagé par la première concernée, l’industrie. Les mastodontes internationaux de la cigarette – Philip Morris International (PMI) et British American Tobacco (BAT) notamment – se sont donc logiquement invités dans la conversation. Et même dans le processus législatif européen.

Mesure phare prônée par Bruxelles : l’instauration d’un mécanisme de traçabilité efficace des paquets de cigarettes, pour mettre fin au marché de contrebande. Depuis 2012, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a institué une convention-cadre pour la lutte anti-tabac (CCLAT), d’après laquelle les Etats sont tenus de contrôler le secteur de manière indépendante. Autrement dit : en dehors de toute influence des cigarettiers. C’est là que le bât blesse. Bien que les industriels du tabac soient régulièrement soupçonnés d’alimenter eux-mêmes le commerce illicite de cigarettes, la directive rédigée par Bruxelles les autorise à mettre au point leurs propres techniques de traçabilité.

Possibilité dont ils ne s’étaient de toute manière pas privés. En 2005, PMI a breveté, mis en place puis cédé gratuitement à ses principaux concurrents le système Codentify, pour lutter contre la contrebande et la fraude fiscale notamment. Sauf que les cigarettiers ont été accusés à de nombreuses reprises de profiter de l’absence d’indépendance de la méthode pour continuer d’abreuver le commerce illicite en cigarettes. Ce qui a débouché sur des plaintes pour fraude, même après le transfert en 2016 de Codentify à Inexto, une filiale suisse du groupe français Impala. En cause : la production réelle de cigarettes resterait dissimulée.

Terrorisme

Bizarrement, l’interprétation de la convention-cadre de l’OMS au niveau européen comporte de nombreuses imprécisions, et son application certaines lacunes. La directive de Bruxelles ne change pas d’un iota le système en place et permet aux cigarettiers, à la fois juges et parties, de rester maitres de leurs chiffres. C’est là qu’entre en scène la fine fleur du lobbying bruxellois. « Ce que nous entendons partout dans le monde (…) c’est que des représentants de l’industrie du tabac approchent les différentes parties pour leur dire que tout ça est compliqué et cher […] et qu’ils ont une solution parfaite » explique Katharine Kummer Peiry, responsable du secrétariat de la CCLAT à l’OMS.

Une manipulation du législateur qui pourrait toutefois se retourner contre lui. Car la directive, en l’état, s’expose fortement à un recours devant la justice européenne, en application du principe juridique de primauté du droit international sur le droit communautaire – aujourd’hui européen. « La convention-cadre de l’OMS est entrée en vigueur au plan international le 27 février 2005 ; elle lie internationalement l’Union européenne depuis le 30 juin 2005 et fait partie intégrante du droit de l’Union depuis lors » selon le professeur de droit Pierre d’Argent. Qui ne voit pas, d’ailleurs, de contre-indication à ce que les Etats s’emparent eux-mêmes de la traçabilité des paquets.

5 COMMENTAIRES

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