Clément Méric : deux extrêmes, une affaire

Retour sur l'affaire Clément Méric. Pourquoi l'affrontement, et le drame, étaient inévitables? Face au contexte actuel en crise, faut-il s'inquiéter de ces guerres de clans extrêmistes? 

Deux extrêmes opposés


Il n’existe aucune liaison entre les deux groupes, pour la simple raison que leurs idéologies sont totalement opposées, et, contrairement au vieil adage, « les extrêmes se rejoignent », il ne peut y avoir de connexions ; Même si Troisième Voie, la formation incriminée aves ses Jeunesses nationalistes-révolutionnaires, la garde rapprochée du chef Serge Ayoub (alias Batskin pour son goût prononcé pour l’usage de la batte de base-ball dans les années 80), distille un discours vaguement anticapitaliste afin de recruter chez les ouvriers et les précaires. Cette tendance s’affirme solidariste, rejetant dos à dos capitalisme et communisme ; elle rassemble notamment des boneheads (skinheads d’ultra-droite).


De l’autre côté, il s’agit des héritiers d’un antifascisme radical, les descendants en quelque sorte des « chasseurs de skins » et des redskins (skinheads de gauche) des années 80. Ils sont peu nombreux, provenant de différents courants, et adeptes d’un fonctionnement sans hiérarchie, pour plus d’efficacité. Ils sont porteurs d’un projet politique anticapitaliste, mais dans le but de l’émancipation des travailleurs. Le courant auquel appartenait Clément est intitulé « Action antifasciste Paris-Banlieue », et ce n’est pas un club de cogneurs, même s’ils savent s’opposer physiquement s’il le faut, mais aussi un groupe luttant contre la progression des idées d’extrême-droite au sein de la société.

Des provocations sur internet


Alors, les « liaisons » se font souterrainement, le plus souvent sur Internet. Les ultras-nationalistes provoquant des « rendez-vous » en direction des antifas depuis quelques mois, parfois  imitant des sites antifascistes afin de régler leurs différents. En conséquence, la pression s’est accrue, d’autant plus avec la radicalisation d’une partie du mouvement anti-mariage pour tous. Et puis il y a un travail d’infiltration des ennemis, afin de les « loger ». Des sites antifas ont réussi à réaliser un véritable travail d’investigation, mettant en ligne des galeries de photos des plus compromettantes, de militants faisant le salut nazi ( pardon, olympique pour Alexandre Gabriac les Jeunesses nationalistes, liées à l’OEuvre Française, un courant antisémite et pétainiste également menacée de dissolution ). D’ailleurs, ce travail de recherche et de documentation aboutira à l’exclusion de personnages par trop marqués du Front National.


Tout cela, malheureusement, devait aboutir un jour ou l’autre à un drame, qui aurait pu se réaliser à Lyon, un laboratoire expérimental de groupes ultra-violents, mais aussi ailleurs, comme l’actualité des plus récentes l’a  prouvé. Et il y a miracle pour que les morts ne s’additionnent pas : la philosophie en matière de violences est totalement différente selon les camps, les antifascistes se refusant ainsi de toucher les parties vitales du corps.
Donc, une mini-guérilla s’est progressivement installée.


Concernant les affrontements qui coûteront la vie à Clément, ce n’est pas une simple bagarre entre bandes rivales, une thèse des plus réductrices. Sur l’aspect purement juridique, il n’y a peu à dire, tant que la rencontre des protagonistes, sans doute fortuite, s’est déroulée dans un espace privatif. Sauf, peut-être, que des tatouages visibles sur les militants d’extrême droite, incitant à la haine raciale ou à caractère néo-nazi sont répréhensibles en regard de textes de lois. Pour le reste, il faut s’en remettre à l’enquête judiciaire en cours.


Un danger pour le pays


Une mouvance ultra avoisinant les 3 000 militants et sympathisants est contrôlable, dès lors où elle a pignon sur rue. Sauf que déjà, certains ont déclaré plonger dans la clandestinité, avec parfois plus de folklore que de réalité. Un groupe « anarcho-royaliste », Le Lys noir, en appelle au soulèvement… de l’Armée ! D’autres franchiront le pas, notamment à la faveur de dissolution, même si cela est nécessaire, mais avec un danger accru du fait de la difficulté pour les services concernés d’infiltrer de tels groupes.  Cela peut entraîner une plus grande radicalisation encore, et produire de nouveaux électrons libres qui seront animés par le souci de se venger, avec à la clé la possibilité d’actions venant de « loups solitaires ». Depuis quelques décennies, il existe par ailleurs des micros-groupuscules entraînés, prêts pour leur « révolution nationale », tandis que les ultras-gauches parlent de « révolution sociale ». Dans ce sens il peut effectivement y avoir des dangers au niveau de la vie démocratique du pays, face à des adeptes de la guerre civile.


Enfin, le contexte actuel, avec le taux de chômage et la précarité, doublé d’une crise politique sans précédent, est propice à toutes les dérives populistes et replis nationaliste et identitaire  Voici les ingrédients réunis qui a des relents des années trente, avec les impacts que l’histoire a bien connus.