Industrie du médicament : une politique de réhabilitation en deux temps

Mediator, prothèses PIP, Diane 35, en peu de temps, une succession de scandales sanitaires a ébranlé le système de santé et la confiance des patients et des professionnels de santé. Aujourd'hui, l'industrie pharmaceutique et en particulier les médicaments génériques sont l'objet d'une profonde méfiance. Après avoir refondé son système, la France doit suivre une politique de prix cohérente.

L'affaire du Mediator a révélé les failles d'un système dans lequel les experts de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) avaient des liens d'intérêt avec l'industrie pharmaceutique. Ce scandale a eu pour effet de décrédibiliser les gardes-fous sanitaires issus de l'AFSSAPS et de détruire la confiance des consommateurs et des prescripteurs. Aujourd'hui, cette méfiance s'est radicalisée et l'industrie pharmaceutique n'est vue que par le prisme de l'intérêt économique des industriels.

Une méfiance nuisible au marché du médicament générique

Ces scandales ont fait tâche et les soupçons générés ont gagné l'ensemble des produits délivrés par l'industrie. Les médicaments génériques, qui n'étaient déjà pas en odeur de sainteté, ont été les premiers à subir le revers de la crise. Boucs émissaires de l'opinion, ils ont eu tendance à concentrer la défiance des prescripteurs comme des consommateurs.

Pourtant, médicament générique et princeps, c'est bonnet blanc et blanc bonnet. Au niveau thérapeutique, ils sont strictement identiques : même composition qualitative et quantitative en principe actif, même forme pharmaceutique. La seule différence est juridique, les génériques copiant des médicaments princeps dont le brevet est expiré. Cette bioéquivalence est démontrée par des études et validée par des experts.

En vertu du droit de substitution conféré au pharmacien d'officine (Projet de loi de financement de la Sécurité sociale de 1999), le pharmacien peut délivrer par substitution à la spécialité prescrite une spécialité du même groupe générique. La LFSS de 2003 a statué qu'un consommateur acceptant d'acheter du générique était remboursé dans la même proportion que le princeps. Dans le cas où le consommateur préférait un médicament de marque, il devait payer la différence de prix. Une mesure qui n'a pas empêché nombre de patients de préférer les princeps aux génériques.

Restaurer la confiance

Il devenait nécessaire de refonder le système afin de restaurer la confiance perdue. La première étape consistait à remplacer l'AFSSAPS, mise en cause pour son manque de vigilance dans l'affaire du Mediator, par une nouvelle agence qui romperait avec un système inefficace et recouvrerait sa légitimité. L'ANSM s'est donc substituée le 1er mai 2012 à l'AFSSAPS dont elle a repris les missions, droits et obligations.

Le législateur a procédé au renforcement du rôle de l'ANSM afin d'évaluer les bénéfices et les risques liés à la mise sur le marché des médicaments. Le maître mot de cette nouvelle agence : la transparence, via l'élaboration d'une base de données administratives et scientifiques sur les traitements et sur le bon usage des produits de santé consultable et téléchargeable gratuitement sur le site internet du ministère.

Cette première refondation devrait permettre d'améliorer le système de contrôle et de distribution des médicament et de retrouver une vraie légitimité auprès des prescripteurs et des consommateurs.

La nécessité d'une politique de prix lisible

Après avoir agi sur les bases du système, il fallait dans un second temps faire en sorte que cette confiance retrouvée puisse se traduire par une augmentation des ventes sur le marché, susceptible de générer à terme de substantielles économies pour les autorités françaises. Or en la matière les politiques d'incitation n'ont pas suivi une ligne de conduite claire.

Si au départ le prix fabricant des génériques a pu être supérieur en France c'est parce que l'offre générique reposait sur un outil industriel français et européen ouvert aux contrôles. Une garantie de qualité qui influe nécessairement sur la confiance des patients et des professionnels de santé.

En outre, les incitations économiques sont nombreuses pour stimuler la vente du générique et s'adressent aussi bien aux laboratoires qu'aux pharmaciens, aux médecins et aux patients.

Par exemple, si le pharmacien perçoit sur le générique une marge de distribution identique à celle du médicament de référence, il bénéficie en revanche de remises commerciales plus importantes sur le générique, ce qui conduit mécaniquement à des prix publics plus élevés.

De même, le dispositif « Tiers payant contre générique » a été renforcé et généralisé à l’ensemble du territoire et à tous les assurés afin de redynamiser la consommation de médicaments génériques. Prolongement de la LFSS de 2003, ce dispositif a fait en sorte que pour continuer à bénéficier du tiers payant en pharmacie, les patients doivent accepter la substitution du médicament de marque. Dans le cas contraire, ils doivent procéder à l'avance des frais.

Mais d'un autre coté, la LFSS rectificative de 2012 a mis en place un plan de 290 millions d'euros de baisses de prix sur les génériques, politique prolongée fin 2012 par le Comité économique des produits de santé (CEPS) qui a voulu faire converger les prix des médicaments vers des niveaux européens. Rien de tel pour faire chuter la confiance.

Une politique de baisse des prix des génériques a de nouveau été dénoncée récemment par le « Générique Même Médicament » (Gemme) qui estime qu'il serait plus pertinent de faire des économies en continuant de développer le remplacement des médicaments substituables par des génériques plutôt qu'en baissant les prix.

Si ces politiques de baisse des prix restent problématique, les efforts de transparence engagées devraient finir par payer. C'est ce que pronostique le Pr Dominique Maraninchi, à la tête de l'agence du médicament depuis février 2012, pour qui il faut aussi bien informer sur les risques que sur les bénéfices des médicaments.