Qu’est-ce que l’Arbitrage Privé ?

L’arbitrage privé est une forme de jugement qui se fait en dehors des circuits traditionnels de la justice. Plus utilisé qu’on ne le croit, notamment dans le monde des affaires, il est aussi l’objet de divers problèmes qui lui sont spécifiques et qui ont attiré l’attention des autorités compétentes. Ces dernières  commencent à le remettre en cause. Explications.

L’arbitrage privé est défini par les articles 1442 et suivants du Code de procédure civile. En particulier, l’alinéa 4 de l’article 1464 et l’article 1479 de ce même code définissent exactement ce mode de résolution des conflits.
En France, l’arbitrage privé est géré par l’AFA, l’Association Française d’Arbitrage, créée en 1975.

Composition de l’arbitrage

L’arbitrage privé se construit autour des « arbitres » qui sont des personnes choisies par les deux camps afin de donner le verdict et trancher l’affaire en cours. Généralement, trois arbitres interviennent lors d’un arbitrage : chaque partie désigne un arbitre et, de commun accord, un troisième est alors désigné. Les arbitres, qui constituent alors le « tribunal d’arbitrage », ont alors les pleins pouvoirs pour trancher sur la question posée.

Les arbitres en question sont, très souvent, des juges à la retraite qui ont donc une réelle connaissance du domaine du droit. Cela devrait permettre de rendre une justice impartiale, exactement comme est la justice « classique ».

Afin de garantir l’impartialité du jugement, les arbitres doivent déclarer qu’ils n’ont aucun intérêt ni aucun rapport avec l’une des deux parties ou avec leurs avocats. Une déclaration qui se fait sur la bonne foi des arbitres désignés.

Parmi les quelques arbitres d'affaires célèbres on peut citer Jean-Denis Bredin, Jean Claude Magendie ou encore Pierre Estoup.

Pourquoi l’arbitrage privé ?

L’arbitrage privé est surtout utilisé dans le monde des affaires afin de protéger les divers secrets industriels qui peuvent être liés aux différends. Le fait de ne pas passer par les circuits de la justice classique permet effectivement de ne pas avoir à dévoiler à des tiers des documents sensibles qui, de plus, pourraient fuiter dans la presse.

Quels sont les problèmes liés à l’arbitrage privé ?

Si, en soi, l’arbitrage privé semble être une bonne manière de résoudre certains problèmes, les modalités qui le régissent commencent à faire planer sur lui des soupçons, comme par exemple un problème de corruptibilité des juges.

Impossibilité de faire appel

Une des principales critiques qui sont adressées à ce système est l’impossibilité de faire appel, droit qui existe de manière inaliénable dans la justice classique où il est possible de demander un nouveau procès pour tout jugement. Le procès est alors renvoyé en Cour d’Appel. Ce même appel peut être encore une fois remis en question et le dossier transféré en Cour de Cassation qui donnera un avis définitif.

Dans l’arbitrage privé cette multiplication de procédures n’existe pas. Une fois tranchée, l’affaire ne peut pas être jugée à nouveau. Si cela rend plus rapide une procédure, elle fait du jugement par arbitrage privé quelque chose d’absolu que personne ne peut remettre en cause.

Corruptibilité des juges

Comme nous l’avons dit, dans l’arbitrage privé les juges, ou arbitres, sont désignés par les deux parties. Ce sont souvent des juges à la retraite qui ont fait des arbitrages leur source de revenus. En effet, contrairement à la justice classique où les juges sont des fonctionnaires, dans l’arbitrage privé les juges sont payés par les deux parties qui demandent un tel mode de jugement. Les honoraires peuvent atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros par partie.

Mais hors des circuits institutionnels de la justice il semble plus facile de corrompre les juges qui, rappelons-le, ont tout pouvoir sur la décision qui sera rendue au final. Loin d’être une pratique courante, diverses affaires  éclatantes commencent à montrer que des intérêts secondaires influencent les arbitres appâtés par l’argent.

Confidentialité

La procédure, confidentielle, permet une certaine opacité. La décision étant sans appel, il devient dès lors tentant de recourir à l'arbitrage privé pour une partie qui saurait n'avoir aucune chance de gagner dans le cadre de la Justice traditionnelle. En corrompant une partie des juges, il devient en effet théoriquement possible de gagner un procès ingagnable, avec des justifications fallacieuses qui n'auraient aucune chance de passer en appel ou en cassation.

Quel futur pour l’arbitrage privé ?

Les affaires éclatantes qui posent problème commencent à attirer l’attention du gouvernement sur l’arbitrage privé. En particulier, c’est la résolution de l’affaire Tapie concernant Adidas, dans laquelle étaient arbitres qui commence à lever des doutes sur ce système alternatif de la justice.

Si les problèmes de corruptibilité et de partialité de l’arbitrage privé étaient avérés, cela pourrait remettre en cause l’intégralité du système.