Lors d’une rencontre au Palais de Justice de Paris, trois des quatre fils du couple Delay-Badaoui ayant subi des agressions sexuelles ont confié ne pas vouloir aller au troisième procès de l’accusé Daniel Legrand fils.
« Pour nous, cet aspect du dossier partait pour être enterré par la justice. Et, aujourd’hui, le procureur annonce un procès, sans même nous prévenir, ni notre avocat. On le découvre à la télé… » explique Chérif, 23 ans.
Jonathan quant à lui dénonce « une manipulation de la justice » et Dimitri estime que la justice les a beaucoup fait souffrir : «au point de nous rendre coupables de notre propre vécu, alors que nous avons souffert les pires calvaires imaginables».
De plus, ce n’est pas le fait d’être confronté aux accusés qui les a poussé à prendre cette décision : « J’aimerais les avoir en face de moi les Delarue, les Dupont-Moretti, pour leur répondre, à 23 ans, ce que je ne leur ai pas répondu lors du procès en appel de 2005 alors que je n’avais que 15 ans. Mais là, stop. Je ne veux pas de ce procès. J’ai la phobie de la police, de la justice et de ses palais. Je reste très fragile. J’enchaîne les tentatives de suicide. Je risquerais de péter les plombs. », s’exclame Chérif.
Dimitri dit que « Ce procès, c’est pour eux, pas pour nous. On ne veut plus jouer leur jeu. »
Dans une interview, Le Parisien leur a demandé quelle était leur situation actuelle.
Jonathan est SDF : « Je n’ai pas de travail, donc je ne trouve pas de logement, et inversement. Avant, j’avais un très bon niveau scolaire. Mais de retour de Belgique, où j’avais été placé, je n’ai pas eu d’équivalence dans les études. Et puis, quand vous voyez un patron et que ça fait un moment que vous n’avez pas pris de douche, ce n’est pas l’idéal… ».
Dimitri qui vit « au jour le jour » regrette beaucoup son anonymat d’autrefois : « Parfois, Chérif, qui a un toit, peut nous héberger. On trime, et on ne s’en sort pas. A chaque fois, il y a toujours quelqu’un à qui notre nom dit quelque chose. Un tour sur Internet et notre passé ressort. Ce passé, c’est un blocage insurmontable. »
Enfin, Chérif se dit très fragile psychologiquement : « J’ai envie de croire au bonheur mais, tous les jours, je me bats contre moi-même pour ne pas me couper les veines. Et puis je culpabilise. Je me dis que si, en 1995, j’avais osé dénoncer les viols dont j’ai été victime par mon beau-père, mes frères n’auraient pas vécu ce qu’ils ont vécu, et l’affaire Outreau n’aurait jamais existé. »