Apple : la course à l’innovation

Dans un monde de changement perpétuel, de compétition féroce, d'innovation débordante et d'exigences sociales, comment construire une entreprise adaptée aux nouvelles réalités ? Ce qui compte vraiment n'est pas un énième livre sur la manière de réussir dans un monde dominé par une course effrénée à l'innovation, de plus en plus compétitif et aux contours de plus en plus flous. 

Deuxième partie, Chapitre 10 p99-100

Apple, comment ça marche ?

En 1997, j’ai acheté une tablette chez Cross, le spécialiste du stylo. Codéveloppé avec IBM, le CrossPad fut à l’époque salué comme un article révolutionnaire, appelé à ouvrir une catégorie de produits entièrement nouvelle – celle des blocs-notes numériques et portables. Comme je prends énormément de notes, l’idée de transformer mes gribouillis en fichiers numériques était trop belle pour que je la laisse passer.

Pour dire la vérité, j’adore être le premier à adopter les nouveautés mais j’étais une cible particulièrement facile pour celle-là. Je n’allais tout de même pas contredire « Ozzie » Osborne, le patron de la division Pen and Speech Business Systems d’IBM, qui déclarait que le CrossPad allait « redéfinir la façon dont les utilisateurs percevaient le papier et le stylo ! » Je me suis donc précipité pour acheter un CrossPad, mais un mois plus tard il était rangé dans un placard, à côté d’autres produits « révolutionnaires » censés changer la vie, mais qui, pour une raison ou pour une autre, n’avaient rien changé du tout.
Au fil des années, je suis devenu légèrement moins vulnérable aux visions utopiques des prophètes autoproclamés de la technologie. Récemment, par exemple, je suis sorti d’un magasin Sony sans téléviseur 3D.

J’ai appris à mes dépens que beaucoup de marchands de gadgets informatiques sont des commerçants, pas des orales. Sachant cela on aurait pu s’attendre à ce je sois au moins un tout petit peu sceptique face au déferlement médiatique  qui a accompagné le lancement de l’Ipad première génération en janvier 2010 – mais pas du tout. D’autres, pourtant, doutaient de l’intérêt du produit, se demandant ce qu’apportait de plus cette version de l’IPhone dopée aux amphètes, d’autres se lamentant de l’absence de stylet, d’autres encore, estimant le produit beaucoup trop cher par rapport à ses concurrents. Seulement, j’ai toujours trouvé difficile de parier conte la perle de Cupertino. Non parce que je fais partie du fan-club (c’est pourtant le cas) mais parce qu’Apple a réussi à inscrire l’innovation dans ses gênes, beaucoup plus profondément qu’aucune entreprise à ma connaissance.

« Ce qui compte vraiment », Gary Hamel, Editions Eyrolles, 25 Euros