Responsabilité médicale : la Cour de cassation se prononce sur le lien entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques

Le 10 juillet 2013, la première chambre civile de la Cour de cassation vient de rendre un arrrêt particulièrement important pour le droit de la responsabilité médicale. 

Un arrêt qui intervient dans le contentieux, en cours depuis plusieurs années, relatif aux conséquences possibles de la vaccination contre l'hépatite B.

L'arrêt rendu le 10 juillet 2013 par la Cour de cassation peut être consulté ici et ici. Il s'agit d'une décision trés importante dont le modeste écho médiatique est sans doute dû à la période estivale. Car la portée juridique de cette décision est certaine. A titre personnel, j'ai consacré une partie non négligeable de mes années de thèse au lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice en matière de responsabilité médicale et ce, pour identifier l'émergence de la présomption de lien de causalité dans ce domaine, particulièrement en matière de vaccination.

Dans cette affaire, la requérante avait reçu plusieurs injections de vaccins contre l'hépatite B. Elle s'est par la suite « plainte d'épisodes de paresthésie des mains » puis « d'un état de fatigue et de troubles sensitifs, qu'elle a dû cesser de travailler (..) le diagnostic de sclérose en plaques a été posé en décembre 1998 ».

Cette personne a alors recherché la responsabilité du fabricant des produits injectés.

L'arrêt rendu par la Cour de cassation est intéressant à plusieurs en ce qu'il confirme une jurisprudence sur la présomption du lien de causalité et en ce qu'il démontre l'interaction entre la responsabilité médicale et celle du fait des produits défectueux.

La présomption du lien de causalité

En premier lieu, la Cour de cassation va confirmer l'arrêt de la Cour d'appel frappé d'un pourvoi en ce que celui-ci n'a pas imposé au demandeur la preuve d'un lien de causalité certain entre le vaccin et son préjudice :

« Mais attendu que la cour d'appel, après avoir exactement énoncé que l'impossibilité de prouver scientifiquement tant le lien de causalité que l'absence de lien entre la sclérose en plaques et la vaccination contre l'hépatite B, laisse place à une appréciation au cas par cas, par présomptions, de ce lien de causalité, a estimé qu'au regard de l'état antérieur de Mme X…, de son histoire familiale, de son origine ethnique, du temps écoulé entre les injections et le déclenchement de la maladie, et du nombre anormalement important des injections pratiquées, il existait des présomptions graves, précises et concordantes permettant d'établir le lien entre les vaccinations litigieuses et le déclenchement de la sclérose en plaques dont elle était atteinte ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; »

Aux termes de cet arrêt : la certitude du lien de causalité n'est pas requise. Ce sont en réalité de « présomptions graves, précises et concordantes permettant d'établir le lien entre les vaccinations litigieuses et le déclenchement de la sclérose en plaques » qui sont exigées.
Cette jurisprudence n'est pas nouvelle. Elle est cependant toujours remarquable dés lors que l'analyse est celle de la Cour de cassation.
Vaccination et responsabilité du fait des produits défectueux

L'arrêt est également rendu au visa de l'article 1386-4 du code civil, lequel précise :
« Un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation. »

Au cas présent, la Cour de cassation relève tout d'abord que la Cour d'appel a refusé d'établir le caractère défectueux du vaccin litigieux au motif que son bilan bénéfice/risque démontre que le risque « hépatite B » était « infiniment plus grand » que le risque « scléroses en plaques » :

« Attendu que, pour rejeter les demandes de Mme X…, l'arrêt, après avoir exactement retenu que la seule implication du produit dans la maladie ne suffit pas à établir son défaut ni le lien de causalité entre ce défaut et la sclérose en plaques, relève qu'un produit ne peut être retiré du marché du seul fait qu'il ne répond pas à l'attente particulière d'une personne, que le bénéfice attendu du vaccin contre l'hépatite B, par le public utilisateur, est avant tout une protection efficace contre ce virus, ce qui est le cas, ce pourquoi le vaccin contre l'hépatite B, qui a probablement sauvé des milliers de vie pour lesquelles le risque « hépatite B » était infiniment plus grand que le risque  » sclérose en plaques », n'a pas été retiré du marché et a reçu jusqu'à aujourd'hui les autorisations requises, que si le ministère de la santé a mis un terme aux campagnes de vaccination systématiques, cette réserve ne peut contribuer à établir le caractère défectueux du produit ;

C'est précisément cette analyse qui sera annulée par la Cour de cassation, laquelle impose que soient examinées, non une « considération générale » mais les « présomptions graves précises et concordantes du caractère défectueux des doses » injectées :

« Attendu qu'en se déterminant ainsi, par une considération générale sur le rapport bénéfice/risques de la vaccination, après avoir admis qu'il existait en l'espèce des présomptions graves, précises et concordantes tant au regard de la situation personnelle de Mme X… que des circonstances particulières résultant notamment du nombre des injections pratiquées, de l'imputabilité de la sclérose en plaques à ces injections, sans examiner si ces mêmes faits ne constituaient pas des présomptions graves précises et concordantes du caractère défectueux des doses qui lui avaient été administrées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision; »

La Cour de cassation s'attache ici à une approche produit et non à une approche « politique de santé publique ». les deux ne sont nullement contradictoires mais c'est la première qui doit guider l'analyse du Juge saisi d'une question portant sur le caractère défectueux d'un produit de santé.

L'arrêt de la Cour d'appel est donc annulé, en tant seulement qu'il a dit que le requérant n'avait pas établi le caractère défectueux du vaccin et rejeté ses demandes.

Avocat – Serlarl Gossement avocats