Révision de la Directive Tabac : les premières pistes des députés européens

La Directive des Produits du Tabac, votée en 2014 et appliquée depuis 2016, doit être révisée en 2021. Depuis son adoption, le tabagisme a connu des évolutions importantes : le vapotage suscite des interrogations croissantes, l’industrie du tabac commercialise des produits du tabac chauffé, et le confinement a montré la persistance du commerce parallèle. L’heure est donc aujourd’hui à la modernisation du cadre applicable au tabac.

L’élaboration et le vote de la Directive Tabac en 2014 se sont déroulés dans un climat particulier pour les députés européens, soumis, selon eux, à un lobbying de l’industrie du tabac jamais vu jusqu’alors. Pour se prémunir de cette stratégie d’influence et mieux préparer cette réforme, des députés européens de tous les groupes politiques, conduits par Cristian Busoï, eurodéputé roumain du groupe majoritaire PPE, et Michèle Rivasi, eurodéputée française Les Verts/ALE ont souhaité conduire une concertation avec des experts indépendants et des associations.

Un premier Webinar sur le commerce parallèle de tabac

Le premier Webinar organisé jeudi 17 décembre 2020 était consacré au commerce parallèle de tabac et aux solutions pour y mettre fin. Michèle Rivasi a annoncé que deux autres suivront, l’un sur le thème du lobbying de l’industrie du tabac, l’autre sur le vapotage et les produits de tabac chauffé (IQOS).

Quel est le poids du commerce parallèle ? Sa composition ? Quels sont ses coûts sanitaires et financiers ? Comment le combattre ? Ce sont quelques-uns des thèmes que Anca Toma, directrice de Smoke-Free Partnership, Luk Joossens, président de la Ligue contre le Cancer et Vinayak Prasad, bras droit du directeur général de l’OMS, expert en fiscalité du tabac et du commerce parallèle ont partagés pendant deux heures avec les participants de cette visioconférence.

Le commerce parallèle alimenté essentiellement par les cigarettiers

Les conclusions de ce premier débat sont en ligne sur le site de Michèle Rivasi : il a tout d’abord été établi que le commerce parallèle serait pour une large part alimenté par les fabricants de tabac. Ce constat rejoint celui déjà établi par l’eurodéputé La France Insoumise (LFI) Younous Omarjee dans son « Livre Noir du Lobby du Tabac en Europe » qui démontrait que jusqu’à près de 99% des cigarettes composant le commerce parallèle pouvaient sortir des usines des cigarettiers. Ou encore celle d’un ancien partenaire de Philip Morris International, Raoul Setrouk qui décrit dans le Journal Du Dimanche (JDD) les voies que mettrait en place le numéro 1 mondial du tabac pour nourrir les réseaux parallèles, le député des Bouches-du-Rhône François-Michel Lambert annonçant dimanche dans le Journal Du Dimanche (JDD) le dépôt de plainte en France contre le cigarettier, dont la filiale française est présidée par Jeanne Pollès.

Selon ces conclusions, les députés estiment que les fabricants de tabac ne peuvent pas être associés à la lutte d’un phénomène qu’ils organiseraient. « Il ne doit y avoir aucune complaisance vis-à-vis de l’industrie du tabac, mais il ne doit y avoir aucune coopération non plus entre les services de l’UE, notamment l’OLAF, et les cigarettiers » ont alerté les membres du groupe de travail Rivasi-Busoï.

Un système européen de traçabilité jugé non-conforme au Protocole de l’OMS

C’est ainsi qu’un consensus s’est dégagé pour constater que le système européen de traçabilité des produits du tabac, mis en œuvre en 2019, « n’est pas strictement conforme au Protocole de l’OMS et que les textes qui le définissent devront être totalement ou partiellement réécrits pour le rendre conforme ».

Cette non-conformité a été établie selon deux critères. Le premier critère est juridique : il a été rappelé que l’élaboration et le vote de la Directive Tabac (2014) sont antérieurs à la ratification et à l’entrée en vigueur du Protocole de l’OMS (2018). Le système européen est donc certainement conforme aux articles 15 et 16 de l’actuelle Directive 2014/40 mais il ne l’est pas au Protocole de l’OMS.

Le second critère est technique et juridique : les experts ont observé qu’ « aujourd’hui, l’industrie du tabac contrôle les chiffres. C’est l’industrie du tabac qui choisit et qui paie les auditeurs, et les rapports sont remis à l’industrie du tabac. Comment peut-on parler de contrôle indépendant de l’industrie du tabac dans ces conditions ? » se sont interrogé les membres de ce groupe de travail. Ce système serait, selon eux, contraire à l’article 8 du Protocole de l’OMS.

Une non-conformité juridique et technique à laquelle étaient déjà parvenus l’Alliance de la Convention-cadre (Framework Convention Alliance FCA), les experts de l’Université de Bath Allen Gallagher, Anna Gilmore et Michael Eads et ceux d’European Public Health Alliance (EPHA) dans un rapport de septembre 2019 pour le compte de la Commission ENVI présidée par le député européen LREM Pascal Canfin. Le groupe de travail, qui a rappelé son souhait de travailler étroitement avec la Commission spéciale de lutte contre le Cancer présidée par l’eurodéputée LREM Véronique Trillet-Lenoir conclut que « la révision de la Directive des Produits du Tabac va devoir intégrer les dispositions du Protocole de l’OMS en remplacement des articles 15 et 16 devenus obsolètes. De même le système européen de traçabilité doit lui aussi être modifié pour respecter les termes du Protocole de l’OMS », ratifié à ce jour par l’UE et 15 Etats membres.

La lutte contre les dégats sanitaires du tabac sortirait certainement renforcée d’un alignement des politiques de l’Union européenne sur celles de l’OMS.

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