Class actions: le projet de loi de Benoît Hamon sujet à controverse

Débattu depuis trente ans, toujours écarté, les « class actions » pourraient être instaurées en France. Le cabinet de Benoît Hamon a élaboré un projet de loi qui sera discuté en conseil des ministres ce jeudi 2 mai. Ce nouvel outil doit permettre à des consommateurs de se regrouper en une même action en justice.

 

 

Trente ans d'indécision plus tard, les class actions devraient enfin se faire une place dans le système judiciaire Français. Plébiscitées par la grande majorité des Français, l'apparition de cet outil juridique fait partie des promesses du président Hollande. Une loi pourrait voir le jour en 2013. Le projet mis au point par Benoit Hamon doit être discuté aujourd'hui en conseil des ministres.

Les class actions doivent faciliter l'accès à la justice pour les associations de consommateurs. Les victimes d'une même affaire peuvent donc se regrouper en une même action, ce qui leur coûtera moins cher.

Les entreprises condamnées seraient passibles d'amendes allant jusqu'à 300 000 euros et 10 % de leur chiffre d'affaires.

« L'objectif n'est pas tant de multiplier les recours en justice que d'empêcher les entreprises de tricher : ce sera une arme de dissuasion massive. Et, in fine, cela devrait permettre de redonner du pouvoir d'achat aux Français », a déclaré Benoît Hamon.

Un tel système est néanmoins sujet à de nombreux dérivés. La question des conditions d'accessibilité à la class action, et donc des détails de l'avant-projet de loi, se pose alors.

Accès réservé aux associations agrées par l'Etat

La première idée consiste à réserver la possibilité de mener les class actions aux 16 associations agrées par l'Etat. Le fait est que ces associations ne disposent pas d'assez de moyens humains et financiers, ni d'une structure capable de régir ce genre de procédure, bien plus coûteuse qu'elle en a l'air. De plus, le caractère représentatif des consommateurs devient discutable si les seules associations capables de mener ces actions en justice sont sélectionnées par l'Etat.

Le Conseil National de Consommation, grand représentant des consommateurs, qui ferait partie des privilégiés, est en faveur d'un tel monopole. Mais il implique que les avocats n'auraient qu'un rôle mineur. Ils ne seront pas en mesure de lancer eux-même une class action. Benoît Hamon justifie cela comme une mesure contre « les excès d'une judiciarisation à outrance, comme aux Etats-Unis ». Une défiance des avocats qui fait naître la déception et l'indignation au sein du barreau.

Faut-il limiter l'accès aux class actions à certaines associations ? Outre le fait qu'une restriction pareille ne soit pas dans l'intérêt du consommateur, ce qui est déjà illogique au sein d'une loi ayant pour objectif de leur permettre de mieux se défendre, elle ne l'est pas non plus pour le développement de ce genre de procédures.

Pas procédurier, pas indemnisé

Le projet de loi inclus l'idée du opt-in : les consommateurs ne faisant pas partie de l'action en justice ne pourront pas être indemnisés.

Tout d'abord, le juge statuera sur la responsabilité du professionnel. Cela devrait éviter que les sociétés ne soient les victimes d’une publicité négative avant même la condamnation. Le juge prescrira ensuite les mesures nécessaires pour informer les consommateurs susceptibles d’appartenir au groupe des plaignants. Ces consommateurs devront adhérer au groupe auprès de l'association représentative, soit auprès de l'entreprise condamnée. Les membres du groupe, dont il n'existe pas de nombre minimum, pourront ainsi obtenir réparation de leur préjudice. Pour Kami Haeri, avocat, « L'entreprise sera incapable de savoir à l'avance ce que l'action va lui coûter. C'est très grave, car les acteurs concernés ne pourront pas mesurer leurs risques. Cela pose par conséquent un problème de prévisibilité et de provisionnement du contentieux. »

Une procédure du type opt-out permettrait à l'inverse que toutes les victimes potentielles soient automatiquement indemnisées sans avoir besoin d'adhérer au groupe des plaignants. Si cette démarche éviterait aux victimes de préjudices d'un faible montant à faire l'effort de la démarche en justice, elle s'inscrit à l'encontre de la volonté du dispositif de la class action et du Gouvernement à pousser le plus grand nombre de consommateurs à se manifester et ainsi contribuer l'amélioration de la fiabilité des biens et services proposés.

Le but de la procédure pour laquelle opte le projet de loi, le opt-in, est d'obliger les consommateurs à se manifester, et assurément d'éviter tous types d'abus de la part de potentielles victimes qui n'auraient pas prit la peine de participer à la procédure en justice.

Pas d'action en cas de dommages corporels

Et tant pis pour les futures victimes d'affaires du type des prothèses PIP, Mediator ou de l'amiante. Celles-ci n'auront pas accès à la class action. Les victimes de préjudices corporels resteront également les victimes de procédures d'indemnisations compliquées qu'elle connaissent déjà.

Le projet de loi prévoit uniquement le dédommagement des préjudices matériels, mettant de côté les affaires les plus significatives en matière de prévention et graves vis à vis des victimes. Rendant la loi peu dissuasive. Et donc peu efficace.

Pour Frédéric Pelouze à Atlantico : « L’enjeu d’une telle réforme est majeur: restaurer la confiance des consommateurs dans le bon fonctionnement des institutions qui « accompagnent » l’économie de marché, en leur donnant un rôle de régulateur à part entière.[…] L’adoption d’un mécanisme ouvert et complet est une condition sine qua non de son efficacité. » L'avocat appelle Benoit Hamon à faire preuve d'audace.