Suicides chez France Télécom : les dirigeants de l’époque vont plonger, par la porte ou par la fenêtre

Entre 2008 et 2010, 57 employés de France Télécom se sont donné la mort. L'instruction judiciaire contre l'entreprise, ouverte en 2010, touche à sa fin. Et un document interne pourrait transformer les charges de « harcèlement moral » à « mise en danger de la vie d’autrui ».

Les syndicats, qui ajoutent 34 autres morts en 2007 au dossier, avaient porté plainte contre l'opérateur. Les salariés auraient été poussés au suicide en raison de pressions systématiques dont l’objectif était de faire partir 22000 personnes sans recourir à un plan social. Un rapport de l’inspection du travail soutient cette thèse.

Le juge a collecté de nouveaux éléments qui pourraient alourdir les charges qui pèsent contre les trois principaux dirigeants de l'époque qui avaient été mis en examen pour « harcèlement moral » en juillet 2012. Il s'agit de l’ex-PDG Didier Lombard, l’ex-numéro deux Louis-Pierre Wenes et l’ex-DRH Olivier Barberot.

Ces éléments amènent les plaignants à demander que le chef d’accusation soit aggravé, passant de « harcèlement moral » à « mise en danger de la vie d’autrui ». Me Frédéric Benoist, avocat du syndicat CFE-CGC, déclare qu'il a été soulevé que « dès le départ, il y a eu une volonté délibérée de mettre en place un système porteur de risque social, assène. On est au-delà du harcèlement moral. »

Pour Sébastien Crozier du CFE-CGT, « ces documents sont la transcription de la violence sociale que nous avons vécue, et c'est ça qui est nouveau ».

L'un des documents si terriblement accablants, un compte rendu de réunion daté d'octobre 2006, aurait dû disparaître à la demande des responsables de France Télécom. L’Acsed, l’association des cadres du géant de la communication, et les trois dirigeants d’alors s’expriment avec franchise et morgue sur la mise en place des plans ACT et Next, présentés en 2005 et qui avaient pour objectif « de créer de la valeur pour rembourser les dettes, maintenir l’emploi et préparer France Télécom à devenir un opérateur du monde de l’Internet ».. L'enregistrement audio seul a été détruit.

Lors de cette réunion, l'équipe mentionne l’objectif de réduction des postes. On lit clairement dans le rapport M. Lonbard s’exprimer ainsi : « Il faut qu’on sorte de la position mère poule. Ce sera un peu plus dirigiste que par le passé. C’est notre seule chance de faire les 22000. »

« Les propos des dirigeants étant assez durs, j’ai pris sur moi de supprimer quelques phrases », explique la dévouée la secrétaire de l'Acsed. Elle avait néanmoins gardé une copie de l'original du compte rendu dans son garage.

Ainsi, la phrase « si on n’arrive pas à faire ça, on n’échappera pas au plan social » de Didier Lombard devient « on n’échappera pas à des mesures plus radicales ». Les propos « on va mettre le réseau dans un coin et y loger 25000 fonctionnaires » d'Olivier Barberot ont disparu.

La conclusion de l’intervention de Didier Lombard a également été effacée. « En 2007, les départs, je les ferai d’une façon ou d’une autre, par la porte ou par la fenêtre. »