Affaire Tapie/Adidas : garde à vue pour un juge arbitral et l’avocat de Bernard Tapie

Pierre Estoup, un des anciens juges du tribunal arbitral dans l'affaire Tapie/Adidas, est soupçonné d'avoir eu des liens professionnels avec Me Maurice Lantourne, l'avocat de Bernard Tapie. Il a été placé en garde à vue lundi 27 mai, au même titre que l'avocat de l'homme d'affaires.

Trois juges parisiens, Serge Tournaire, Guillaume Daïeff et Claire Thépaut, sont à la tête d'une information judiciaire depuis septembre 2012 pour « usage abusif de pouvoirs sociaux et recel de ce délit » à l'encontre du Consortium de réalisation (CDR), la structure créée en 1995 pour gérer le passif du Crédit lyonnais après sa quasi-faillite.

Le trio-arbitral était composé de Pierre Estoup, alors premier président honoraire de la Cour d'Appel de Versailles, de Pierre Mazeaud, ex-président du Conseil constitutionnel, et de l'avocat Jean-Denis Bredin.

En 2008, le tribunal arbitral a rendu une décision favorable à Bernard Tapie dans l'affaire l'opposant au Crédit lyonnais sur la vente d'Adidas ; la structure ayant été condamnée à verser 403 millions d'euros à l'homme d'affaires.

Des liens cachés… Les enquêteurs le soupçonnent d'avoir eu par le passé des liens professionnels avec Maurice Lantourne, avocat de Bernard Tapie. Lien que l'ancien juge avait tu au moment de l'arbitrage, en faveur de l'homme d'affaires. De tels faits posent les problèmes de corruptibilité et de partialité des juges arbitres du tribunal arbitral.

Aux yeux du député (UDI) Charles de Courson, ce défaut d'information relève d'un conflit d'intérêts pouvant remettre en cause la légalité de l'arbitrage dont a bénéficié Bernard Tapie.

Son avocat, Me Maurice Lantourne, a lui aussi été placé en garde à vue.

Autre révélation : selon L'Express, un livre dédicacé par Bernard Tapie a été découvert à l'un des domiciles de l'ancien juge, lors d'une perquisition effectuée le 14 mai dernier. L'homme d'affaires parle du « courage » du « Président Estoup » qu'il « remercie avec toute [son] affection ».

L'ex-directeur de cabinet de Christine Lagarde, ancienne ministre de l'Economie a été auditionné. Depuis l'ouverture d'une information judiciaire en septembre 2012, plusieurs perquisitions ont été réalisées aux cabinets de Me Lantourne, avocat de Bernard Tapie, aux domiciles de Bernard Tapie et de Stéphane Richard, ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde. Les policiers ont également perquisitionné les domiciles des trois juges arbitres ainsi que le domicile et le cabinet de Claude Guéant, ex-secrétaire général de l’Élysée.

Stéphane Richard doit une nouvelle fois être auditionné par la commission d'instruction de la Cour de Justice de la République (CJR), le 10 juin prochain. L'ancienne ministre de l’Économie, Christine Lagarde, qui avait choisi fin 2007 ce type d'arbitrage pour solder le litige judiciaire, a été entendue les 23 et 24 mai par la CJR. Elle a désormais le statut de témoin assisté.

Le tribunal arbitral est composé de juges arbitres désignés par les camps qui s'opposent afin de trancher le litige. Généralement, trois arbitres interviennent lors d’un arbitrage : chaque partie désigne un arbitre et, de commun accord, un troisième est alors désigné. Les juges du tribunal d’arbitral ont alors les pleins pouvoirs pour trancher le litige soumis.

Dans un souci d'impartialité, les juges arbitres doivent affirmer l'absence de tout lien ou intérêt avec l’un des camps ou avec leurs avocats. Cette déclaration se fait sur la bonne foi des arbitres désignés.