Perpétuité incompressible : un « traitement inhumain » selon la CEDH

La Cour européenne des droits de l'homme pointe du doigt le Royaume-Uni. La justice britannique permet les peines de prison à perpétuité incompressibles. 

 

Suite aux réclamations de trois détenus pour meurtre, Douglas Vinter, Jeremy Bamber et Peter Moore, la Grande Chambre a réuni ses 17 juges pour dénoncer un traitement qualifié d'« inhumain et dégradant ». La CEDH qui n'avait pas vraiment besoin de cela pour améliorer ses relations avec Londres.

La perpétuité incompressible telle qu'elle est actuellement appliquée en Grande-Bretagne serait contraire aux règles de la Convention des droits de l'homme, a décidé la Grande Chambre à 16 contre un. Pourtant, un jugement inverse avait été prononcé en 2012 en première instance.

Une révision après 25 ans de prison

Londres est agacé. Si David Cameron n'a pas encore réagi à l'arrêt qui a été prononcé, la ministre de l'intérieur, Theresa May, a déclaré que la CEDH fait une « interprétation absurde de nos lois en matière de droits de l'homme ».

Les juges affirment que toute condamnation à perpétuité devrait pouvoir être révisée à la demande du détenu après un temps relativement long, soit 25 ans. La loi britannique permettait cela jusqu'en 2003 où la révision de la loi a abouti sur une annulation de cette possibilité. La décision de remise en liberté dépendait alors de l'exécutif. La Cour européenne a estimé qu'il aurait mieux valu « prévoir que ce réexamen serait désormais conduit dans un cadre entièrement judiciaire, au lieu de le supprimer complètement ».

L'arrêt précise que cette décision n'est en aucun cas un motif de remise en liberté immédiate pour les trois détenus ayant saisi la Cour.

Londres voit rouge

D'autres arrêts des juges européens ont fait résonner de nombreux soupirs outre-Manche. En 2012, la décision a été prise de bloquer la procédure d'extradition d'Abou Qatada de la Grande-Bretagne vers la Jordanie par crainte que des preuves obtenues sous la torture puissent être utilisées contre lui lors d'un procès à Amman. Ce n'est que dimanche dernier que l'homme a été expulsé de Londres après une longue procédure.

En 2005, la CEDH avait également émit une objection quant à l'interdiction de vote des Britanniques incarcérés. Une loi qui n'a pas été changée, qualifiée d'« ingérence » par Londres.

La CEDH a également rendu publique une note de contexte consacrée au Royaume-Uni. Elle y rappelle que les requêtes contre le pays ne représentent que 2,6 % des dossiers sur la table. Sachant que 98,3 % d'entre eux sont irrecevables, seul 1,1 % des requêtes donnent lieu à un constat de vérification de violation des droits de l'homme. Au final, Londres n'est condamné que dans 0,6 % des cas.

Pour Theresa May, c'est déjà trop. L'exaspération, à son comble, fait remettre en question son adhésion à la CEDH. La ministre a déclaré que « toutes les options, y compris un retrait complet de la Convention (européenne des droits de l'homme), doivent rester sur la table ».