Quatre ans après sa mort, Seigei Magnitski est reconnu coupable

Le juriste russe avait dénoncé une vaste affaire de corruption dans les rangs de la police. Mis en prison en 2008 par les policiers qu'il avait dénoncés, mort en 2009, il a été reconnu coupable d'évasion fiscale… quatre ans après son décès.

 

Figure symbolique de la lutte contre la corruption, Sergueï Magnitski a été jugé et reconnu coupable d'évasion par fiscale par les personnes dont il dénonçait la corruption.

Seul contre tous

L'affaire remonte à 2007. Le juriste, alors employé par le fonds occidental Hermitage Capital s'était décidé à montrer au grand jour la corruption de la justice russe. Fonctionnaires et membres de la police étaient mouillés dans une opération de détournement de fonds et blanchiment d'argent s'élevant à 5,4 milliards de roubles, soit 130 millions d'euros.

Menacés par ces « ripoux », les six autres avocats du fond d'investissement avaient fui à Londres. Pas Magnitski, qui garde confiance en la justice de son pays. Ni William Browder, son patron. Le juriste, alors âgé de 37 ans, est alors arrêté et jeté en prison par les mêmes policiers qu'il dénonçait.

Il est baladé de cellule en cellule, sans aucun contact avec sa femme ou ses deux jeunes enfants, sans les médicaments dont il a besoin. Plus l'homme se plaint, plus les mauvais traitements empiraient. En quelques mois, il pèse vingt kilos de moins qu'à son arrivée et souffre de calculs dans la vasicule biliaire. Mais son état ne « justifie pas la tenue d'un examen médical » pour la juge Elena Stachina.

Il est transféré dans une prison sans antenne médicale jusqu'à ce que la situation devienne insupportable. Emmené à la Matrosskaïa Tichina pour recevoir des soins, il est conduit dans une cellule isolée… Quelques heures plus tard, il décédait de ses blessures, battu à mort par ses geôliers, après un an de véritable calvaire. Ses bourreaux sont promus et décorés l'année suivante.

 

Gouvernement ou mafia?

L'affaire avait secoué le reste du monde, véritable témoignage des liens étroits entre la mafia, le monde criminel, et le gouvernement russe. Le tout dans l'impunité la plus totale. Mais des faux dossiers, des faux témoignages, des preuves occultées… De cette affaire, la population russe ne sait rien. Le tout est digne d'un film hollywoodien sur la guerre froide. La belle époque qui doit manquer à Vladimir Poutine, ancien du KGB.

« Le jugement d'aujourd'hui va entrer dans l'histoire comme l'une des plus grandes hontes pour la Russie depuis l'ère de [l'ex-dictateur soviétique] Joseph Staline », a déclaré William Browder, le patron d'Hermitage Capital, condamné à neuf ans de camp.

 

La liste Magnitski

Browder, depuis la mort de Sergueï Magnitski, lutte pour que les responsables de sa mort soient enfin punis. Dans ce sens, en 2012, les Etats-Unis ont adopté la « liste Magnitski » : les responsables du cauchemar du juriste sont interdits de séjour sur le terrain américain, leurs avoirs sont gelés. Un premier pas vers une nouvelle bataille entre Washington et Moscou. En 2013, la Russie riposte en interdisant l'adoption d'orphelins russes par des familles américaines.

La liste Magnitski peut être adoptée par les pays européens qui sont également les victimes silencieuses de la corruption des fonctionnaires russes.