Qui a la clef pour ouvrir le « verrou fiscal » de Bercy ?

En France, les affaires de fraudes fiscales sont au cœur de l'actualité avec l'affaire Cahuzac. Mercredi 17 juillet 2013, la commission d'enquête parlementaire a décidé de convoquer l'ancien ministre du Budget. Le même jour, le Sénat, dans une séance publique, examine deux projets de loi relatifs à la fraude fiscale et à la grande délinquance économique.

Les problèmes de fraude fiscale restent relativement flous. En ce moment, avec l'affaire Cahuzac plus le Sénat qui étudie deux projets de loi, pointent du doigt le processus pour dénoncer une fraude fiscale.

La fraude fiscale : en deux temps

Le processus pour poursuivre quelqu'un pour fraude fiscale demande deux étapes. La première : la justice doit obtenir l'autorisation de l'administration fiscale. « Sous peine d'irrecevabilité, les plaintes tendant à l'application de sanctions pénales en matière d'impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d'affaires […]sont déposées par l'administration sur avis conforme de la commission des infractions fiscales », ce texte dit clairement que l'administration ne peut donc rien faire sans le ministère du Budget.

Dans un second temps, si le ministère autorise les poursuites, sur avis conforme de la Commission des infractions fiscales (CIF), un jugement a lieu. La complexité de la démarche fait qu'en réalité, si l'on prend par exemple les cas en 2011, on en compte 11 000 repérés dont seulement 1 046 d'entre eux ont été traités par la justice. En France, on appelle ce cheminement le « verrou fiscal ». Les démarches administratives étant tellement longues, rares sont les affaires qui se retrouvent devant les tribunaux. Les auteurs des délits encourent donc deux peines : une fiscale et une judiciaire.

Faire sauter le « verrou fiscal »

Virginie Valton, vice-présidente de l'Union syndicale des magistrats explique dans une interview accordée au 20minutes.fr que ce principe de « verrou fiscal » est une « anomalie ». On peut lire dans l'article 40 du code de procédure pénal qu'un fonctionnaire se doit de faire part à la justice de toute infraction relevée. Et même si la justice est au courant, sans l'aval du ministère du Budget, elle ne peut rien faire. Elle peut le faire qu'en cas de blanchiment de fraude fiscale comme dans l'affaire Cahuzac. Cependant tout est relatif puisqu' « elle ne peut pas demander des éléments à Bercy puisque aucune plainte n’a été déposée et la justice repart de zéro », explique la juge.

Le Sénat a donc décidé de supprimé le « verrou fiscal ». L'autorité judiciaire pourra poursuivre, selon le nouvel article 2 ter du 25 juin 2013, des faits de fraude fiscale sans passer par l'administration. Dans deux cas pour le moment cela sera possible : des faits révélés au cours d'une enquête ou d'une instruction portant sur d'autres faits complexes. Avec le saut du « verrou fiscal », l'espoir est de voir la justice française aller plus vite. Bercy, de son côté, s'inquiète de ne pas recouvrer l'argent. Argument futile selon Virginie Valton puisque la « poursuite judiciaire n’empêche pas le recouvrement ». Elle se dit donc favorable au retrait du verrou fiscal.