Les peintures, les photographies, bref toutes les œuvres tangibles attachées à un support pérenne bénéficient d’une protection juridique relativement bien définie. Il en est autrement des œuvres dites « éphémères », en particulier des performances artistiques.
Les œuvres éphémères comprennent notamment les œuvres appartenant aux Beaux Arts, les installations, mais aussi les performances. Comment protéger des créations artistiques dont les seuls supports pour témoigner de leur existence sont les yeux qui les ont vus, les mémoires qui les retiennent ou les enregistrements qu’on a pu en faire, parfois déformants l’essence même de l’œuvre ?
Le droit rencontre en effet quelques difficultés à appréhender les conceptions contemporaines de création artistique. Le législateur intègre néanmoins aux dispositifs de protection des droits d’auteur des œuvres aussi instables et changeantes que les performances. Le code de la propriété littéraire et artistique prévoit en effet que « Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. »
Ainsi les œuvres éphémères sont protégées par le code de la propriété intellectuelle en France. L’article L112-2 de ce code comprend dans sa liste d’œuvres protégeables au titre du droit d’auteur, outre les œuvres orales, toutes les œuvres intangibles dont les performances font partie. Le fait d’être intangibles n’a donc aucune incidence sur la protection d’une œuvre.
Mais dans le cas de la performance, se pose avec acuité le problème de son enregistrement vidéo ou de sa capture photo. C’est le seul moyen pour l’artiste de « fixer » son œuvre. Cela nécessité de facto l’intervention d’un tiers et se pose alors la question de la titularité des droits sur la prestation ou l’œuvre.
Le problème s’était par exemple posé avec l’artiste de performance allemand Joseph Beuys qui avait autorisé que l’une de ses performances sur le thème « le silence de Marcel Duchamp est surestimé » soit documentée par le photographe Manfred Tischer. Mais il s’est toujours opposé de son vivant à la diffusion des photographies.
C’est donc dans l’intérêt de l’artiste de définir précisément les conditions de l’intervention du tiers en charge de la fixation de l’œuvre. Le mieux reste de le faire de manière contractuelle pour que chaque partie sache à quoi s’en tenir.
L’imagination humaine n’a pas fini de donner du fil à retordre à l’homme de loi. Certains cas restent encore mal définis par le droit français, car ils ne sont pas encore passés par le filtre de la jurisprudence. À titre d’exemple, l’artiste Éric Freymond, plasticien du silence, se situe dans les interstices inexplorés de la protection juridique des œuvres d’art. Il a en effet du mal à faire valoir ses droits d’auteur sur les “silences” minutieusement collectés depuis des années. Il en est de même de ses performances, basées sur un concept éminemment silencieux.