Tarification et géolocalisation : l’encadrement d’Uber légal se précise

Depuis son arrivée fracassante sur le marché français, l’application américaine de mise en relation de VTC et de particuliers s’est fait beaucoup d’ennemis. La fronde des compagnies de taxis a conduit le gouvernement à légiférer l’an dernier, par l’entremise de Thomas Thévenoud, éphémère secrétaire d’Etat au Commerce extérieur. Une loi contestée par Uber, qui a déposé trois questions prioritaires de constitutionnalité. Le 22 mai, la plus haute autorité juridique française a rendu son verdict et… donné gain de cause à Uber sur un point.

La géolocalisation

Au total, trois dispositions de la loi Thévenoud étaient contestées par Uber, la désormais célèbre entreprise américaine. Sur le premier, la société a été débouté : Uber n’aura plus le droit de recourir à la géolocalisation. Jusqu’à présent, ses clients pouvaient en effet suivre en direct sur leurs téléphones intelligents l’emplacement exact des voitures disponibles et leur trajet. Or le Conseil constitutionnel a jugé qu’il s’agissait d’un moyen détourné de pratiquer la maraude. Seuls les taxis officiels sont autorisés à sillonner la ville et à se faire héler par des clients.

Les usagers d’Uber devront donc se contenter d’être simplement informés du temps d’attente avant l’arrivée de leur véhicule, pour le moment. En effet, il n’est pas encore temps pour les taxis de crier victoire, la Cour d’appel pouvant encore changer la donne. Rappelons de plus que la Commission européenne, interpellée par Uber sur cet aspect de la loi Thévenoud, vient de démarrer une procédure d’infraction au droit européen contre l’Hexagone.

Le retour au garage

La décision des « Sages » sur la deuxième question prioritaire de constitutionnalité, elle, met VTC et taxis sur un pied d’égalité. Les chauffeurs de taxis souhaitaient que les chauffeurs d’Uber aient à retourner à leur point de départ, ou à stationner dans un endroit autorisé, après avoir déposé un client, sans avoir le droit d’en accepter un autre.

Si le Conseil constitutionnel semble leur avoir donné gain de cause, ce qui pourrait considérablement gêner l’ensemble des sociétés de VTC, l’Autorité a précisé que cette obligation vaudrait également pour les chauffeurs de taxis traditionnels dès lors qu’ils circulent hors de Paris. Si la maraude est moins fréquente en dehors de la capitale, le fait est que cette contrainte pourrait freiner leur activité.

La tarification

Dernier, mais des moindres, le sujet de la tarification a également été abordé et c’est Uber qui a obtenu satisfaction. En effet, le Conseil constitutionnel a estimé que les sociétés de VTC devaient être autorisées à recourir à la tarification horokilométrique, c’est-à-dire en fonction de la distance et du temps de trajet. Une décision tout sauf anodine pour Uber dans la mesure où cette disposition vient conforter le modèle économique de l’entreprise, d’autant qu’elle sera également habilitée à élaborer ses propres algorithmes.

Naturellement, ces précisions apportées par le Conseil constitutionnel ne règlent pas définitivement les litiges, ni le statut légal d’Uber et des VTC général. L’entreprise américaine a d’ores et déjà saisi la Commission européenne afin que la loi Thévenoud dans son ensemble soit reconnue comme « nulle », au motif que « ses dispositions numériques auraient dû être notifiées à Bruxelles avant d’être examinées par le Parlement », explique Le Monde. En outre, une quatrième question prioritaire de constitutionnalité a été déposée par Uber au sujet de son service de transport entre particuliers à titre onéreux, UberPOP. Elle doit encore être examinée.

D’une manière générale, l’implantation française d’Uber illustre parfaitement la stratégie de l’entreprise américaine qui, partout où elle s’installe, bouleverse le marché et nécessite la création d’un cadre légal entourant son activité. Pareil schéma se vérifie aujourd’hui dans un pays comme le Canada où Uber se trouve contesté par les compagnies de taxis et son activité mise en danger en dépit de sa popularité auprès du public. Pour Jean-Nicolas Guillemette, directeur de la société au Québec, les choses sont claires : « lorsqu’une innovation arrive, la réglementation doit être modifiée ». Et l’application entend s’appuyer sur la jurisprudence d’Airbnb, un service d’abord critiqué et considéré comme de la concurrence déloyale avant d’être finalement accepté, par le biais d’une « nouvelle réglementation pour l’encadrer ». A cet égard, la décision de la ville de Boston, aux Etats-Unis, qui a justement fait ce choix d’un encadrement légal d’Uber plutôt que d’une interdiction totale, pourrait faire date.