Refus de Linky : faute d’autorité légale et d’arguments, les communes réfractaires s’y cassent les dents

Le 14 octobre dernier, le tribunal administratif de Bordeaux a suspendu la délibération municipale de la commune de Montferrand-du-Périgord refusant l’installation des compteurs Linky. La commune souhaitait s’opposer à la mise en place du nouveau modèle de compteur électrique qui doit y être installé en 2019. 

Une décision de justice qui consacre l’absence de pouvoir légal des communes en la matière. Les maires, eux, pourraient théoriquement s’opposer au déploiement du compteur, mais se retrouvent confrontés à un autre problème : l’absence d’arguments valables pour étayer une telle requête.

La suspension du tribunal administratif de Bordeaux s’imposait puisque, dans cette affaire, la décision de ne pas installer Linky n’avait pas été adoptée par l’organe compétent. En effet, seul le maire avait le pouvoir de s’opposer au déploiement des nouveaux compteurs. Le Conseil Municipal aurait pu lui accorder son soutien mais ne pouvait pas être à l’origine de l’interdiction.

Le cas de Montferrand-du-Périgord n’est pas isolé. A ce jour, près de 270 communes dont les villes de Caen et Saint-Denis, ont adopté des délibérations tendant à suspendre le déploiement ou à assurer la possibilité pour les administrés de refuser individuellement le remplacement de leur compteur. Que reproche-t-on à ces boitiers ?

Les compteurs Linky sont dits communicants car ils transmettent à distance des données de consommation, ce qui permet la mise en place d’un système de facturation au réel et non d’une estimation. Avec les compteurs traditionnels, l’usager règle une consommation estimée qui est régularisée lorsqu’un agent opère un relevé de la consommation directement sur le compteur. La transmission automatique des données permet de facturer chaque mois la consommation réelle sans déplacement d’un technicien.

Le souhait formulé par certaines Communes de s’opposer au déploiement du compteur Linky s’appuie sur les possibles risques pour la santé qui découlent des ondes électromagnétiques émises. Face à l’inquiétude de certaines associations, l’Agence Nationale des Fréquences a effectué une nouvelle série d’analyses et a rendu ses conclusions au cours du mois de septembre. Le niveau d’exposition à 20 centimètres du compteur oscille entre 100 et 600 fois moins que la valeur limite règlementaire. Les études effectuées dans les logements confirment que le champ électromagnétique de Linky est du même ordre que celui des objets électriques du quotidien.

La décision d’interdiction des compteurs pose problème au regard de la répartition des compétences entre les différentes collectivités et les concessionnaires du service public. Le compteur, bien que fourni et posé par ENEDIS, est la propriété des collectivités Locales. Ces dernières ont concédé le service public de distribution de l’électricité à ENEDIS (pour 95% du territoire) ou à une entreprise locale de distribution. Le contrat de concession inclut la gestion des compteurs. L’usager du service public de distribution d’électricité est donc dépositaire du compteur mais n’en a pas la propriété et n’est titulaire d’aucune prérogative sur celui-ci. Il ne peut donc pas légalement s’opposer au remplacement de son compteur.

La commune se voit théoriquement reconnaître la propriété des compteurs. Cependant, le millefeuille administratif interfère avec ce principe et de très nombreuses communes ont délégué leurs compétences à d’autres organes ou collectivités : communauté de communes, métropole, syndicat d’énergie,… Dès lors que la commune s’est dépouillée de ses compétences au profit d’une autorité spécifique, elle ne peut plus valablement intervenir dans le domaine en cause. Dans la très grande majorité des cas, les délibérations des conseillers municipaux n’ont donc aucune valeur juridique si ce n’est celle du symbole.

Les maires pourraient être tentés d’user de leur pouvoir de police administrative en adoptant un arrêté municipal d’interdiction pour risque grave et imminent. La difficulté principale serait alors la caractérisation du caractère grave et imminent du risque. Les conclusions de l’étude menée par l’Agence nationale des fréquences (ANFR) semblent vouer à l’annulation tout arrêté invoquant un tel risque.

L’opposition des communes ou des usagers au renouvellement des compteurs apparaît donc fragile au regard des délégations de compétences concédées et des dernières analyses menées. La contestation est d’autant plus vaine que la loi de transition énergétique de 2015 impose la modernisation du système de comptage, ce que propose indubitablement Linky.

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