L’administration Trump ne cache pas son hostilité envers la Cour pénale internationale, ce qui pourrait menacer son existence même. Cette juridiction est pourtant indispensable si l’on ne souhaite pas que de nombreux crimes de masse restent impunis.
Trump poursuit son offensive contre la CPI
Le 25 septembre dernier, Donald Trump a réitéré ses attaques contre la Cour pénale internationale (CPI) lors d’un discours à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies. Le président américain a affirmé que « Les États-Unis n’apporteront aucun soutien ou reconnaissance » à une cour qui n’a « aucune légitimité et aucune autorité », symbole de « l’idéologie du mondialisme » revendiquant « une juridiction quasi universelle sur les citoyens de tous les pays en violation des principes de justice, d’équité ».
Cette défiance américaine à l’égard de la CPI n’est pas récente, puisque les États-Unis font partie des 32 pays qui ont signé, mais pas ratifié le Statut de Rome, duquel est née la Cour en 2002. Celle-ci est une juridiction pénale universelle permanente chargée de juger les personnes accusées de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d’agression et de crime de guerre. Depuis le 4 mars 2016, 123 États sur les 193 États membres de l’ONU ont ratifié le Statut de Rome et acceptent donc l’autorité de la CPI.
Les attaques du président Trump font écho à celles du conseiller à la sécurité nationale John Bolton qui avait début septembre qualifié la Cour « d’inefficace, irresponsable et carrément dangereuse » après que celle-ci ait annoncé l’ouverture d’une enquête sur les crimes de guerre en Afghanistan.
Contre la CPI, l’administration Trump dégaine l’artillerie lourde : « Nous allons interdire à ses juges et procureurs l’entrée aux États-Unis. Nous allons prendre des sanctions contre leurs avoirs dans le système financier américain et nous allons engager des poursuites contre eux dans notre système judiciaire (…) Nous ferons la même chose pour toute entreprise ou État qui assiste une enquête de la CPI sur les États-Unis… ». Une menace mortelle pour la juridiction internationale, puisque la première puissance du monde est prête à « laisser la CPI mourir seule. Après tout, et pour ainsi dire, la CPI est déjà morte à [leurs] yeux ».
La CPI, un rempart contre l’impunité
Après 16 ans d’existence, la CPI s’apprête peut-être à ouvrir une douzième procédure d’enquête. En effet, le 18 septembre dernier, la procureure de la Cour a annoncé avoir ouvert un examen préliminaire concernant la déportation présumée des Rohingyas par la Birmanie vers le Bangladesh. Il s’agit de la première étape d’un processus pouvant aboutir à une enquête formelle et, éventuellement, à des accusations portant sur la fuite de plus de 700 000 Rohingyas musulmans de Birmanie, consécutive à une offensive de l’armée birmane — majoritairement bouddhiste — en représailles à l’attaque de postes-frontière par des rebelles rohingyas.
Autre exemple de l’activité récente de la CPI, le jugement de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo et de l’ex-chef milicien Charles Blé-Goudé pour meurtres, viols, persécutions et actes inhumains commis pendant la crise postélectorale de 2010-2011. Cette crise de 5 mois, née du refus de Laurent Gbagbo de céder le pouvoir à son rival et vainqueur de l’élection présidentielle Alassane Ouattara, a fait plus de 3 000 morts.
Après plus de deux ans de procès et après avoir passé 7 ans en détention, Laurent Gbagbo a demandé le 1er octobre dernier un non-lieu total et une libération immédiate, avant même que le procès — avec ses 82 témoins à charge et ses 5300 éléments de preuves réunis — soit achevé. Une requête optimiste de la part du détenu, peut-être inspirée par l’amnistie accordée en août par le président Ouattara à sa femme, Simone Gbagbo, après sept ans de détention et une condamnation pour atteinte à la sûreté de l’État.
Des demandes similaires ont été émises par la défense de Charles Blé-Goudé, ex-chef du mouvement des jeunes patriotes fidèles à Laurent Gbagbo et se trouvant alors à la tête d’hommes qui auraient tué et violé des centaines de personnes dans le but de maintenir l’ex-président au pouvoir.
Ces cas permettent de mettre en lumière le fait que la CPI ne peut exercer sa compétence que lorsque les juridictions nationales — auxquels elle ne se substitue donc pas, mais qu’elle complète — n’ont pas la volonté ou la compétence pour juger de tels crimes, ou si l’affaire lui est transmise par le Conseil de sécurité des Nations unies. L’initiative en matière d’enquête et de jugement de ces crimes est donc laissée aux États, ce qui limite « l’atteinte à la souveraineté nationale » dénoncée par Donald Trump le mois dernier. Mais qui veut tuer son chien…