Contraints de rester chez eux, les Français consomment de plus en plus de contenus sur Internet, notamment piratés. Le succès des offres illégales d’IPTV témoigne de cet engouement, qui n’est pas sans risques, tant pour les internautes que pour les ayants droit et l’économie dans son ensemble. Décidé à lutter contre ce phénomène, le gouvernement n’envoie pas moins des signaux contradictoires.
Confinés chez eux, les Français n’ont, probablement, jamais autant regardé la télévision que depuis le début de l’état d’urgence sanitaire lié à la pandémie de Coronavirus. Traits d’union vers un monde extérieur désormais interdit d’accès, passe-temps obligé, unique moyen de s’informer et, souvent, de se distraire, leurs écrans – télévision, smartphone, ordinateur, tablette… – sont au centre de la vie quotidienne. Comme annoncé par les opérateurs, le trafic Internet a littéralement explosé depuis l’annonce du confinement, entrainant une hausse sans précédent de la fréquentation des services de SVOD, VOD, replays et autres sites de streaming. Logiquement, les chiffres du piratage en ligne enregistrent eux aussi une croissance exponentielle.
L’IPTV, une pratique risquée
Torrent, streaming illégal… : pour les internautes lambda, qu’ils soient fans de séries ou de football, les moyens ne manquent pas de profiter, en toute impunité ou presque, de contenus piratés. Parmi ceux-ci, l’IPTV semble gagner du terrain : encore méconnu du grand public, l’Internet Protocol TeleVision (IPTV) permet, au moyen d’un boitier transformant le signal reçu par Internet en information pouvant être lue sur une télévision ou un smartphone, de regarder la télévision grâce à Internet. Pas illégale en elle-même, cette technologie peut néanmoins être détournée par des pirates interceptant et détournant les flux télévisuels circulant sur le Web pour en donner l’accès, contre rétribution financière, à leurs « abonnés ».
En d’autres termes, les services illégaux d’IPTV permettent à tout un chacun d’accéder à ses films ou évènements sportifs favoris pour une somme bien inférieure à celle que demandent les fournisseurs officiels de contenus, comme Sky, Canal + ou BeInSport. Illégale, la pratique n’en séduit pas moins de plus en plus d’internautes : ils seraient ainsi 3 millions en France à recourir à ce type de services, quand, selon une récente étude réalisée par le CSA et la Hadopi, 17% des internautes français auraient utilisé une offre illégale pour visionner du sport au cours des douze derniers mois.
Et ce en dépit des risques, aussi réels que nombreux, que l’IPTV illégale leur fait courir. Des risques techniques, les détenteurs de boitiers illégaux s’exposant au piratage de leurs données personnelles et bancaires ; mais aussi, et surtout, des risques juridiques et financiers, la pratique étant passible, en France, de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. Même son de cloche en Italie où, bien que sévèrement confinés, quelque 200 utilisateurs de boitiers piratés ont récemment eu affaire à la justice transalpine pour avoir eu recours à l’IPTV illégale.
Les contradictions des autorités françaises
Le CSA et la Hadopi sont formels : le phénomène, s’il continue de prendre de l’ampleur, menace la chaîne de retransmission sportive et, in fine, l’économie du sport toute entière, celle-ci reposant en grande partie sur les retombées financières des droits télévisés. Conscient du danger et à la demande des ayants droit, le gouvernement français ne cache pas son intention de lutter contre le développement des offres illégales d’IPTV. Interrompu pour cause de pandémie, l’examen parlementaire de la future réforme de l’audiovisuel devait, selon le député LREM Cédric Roussel, permettre de dégager des pistes visant à « assécher ce système en suspendant les diffusions », et ce « même lorsque les plateformes (incriminées) sont (hébergées) à l’étranger ».
Des déclarations aussi martiales que bienvenues. Problème : si les autorités françaises affichent en effet volontiers leur désir de lutter contre le piratage en ligne, elles viennent « en même temps » d’imposer, par la voix du CSA, à Canal + de retirer la gratuité de ses offres décidée au début du confinement généralisé. Une contradiction flagrante, « la mise en avant de l’offre légale » comme outil de lutte contre le streaming illégal figurant, en toutes lettres, dans les missions de la future entité fusionnant le CSA et l’Hadopi : l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) dont l’objectif premier sera de lutter plus efficacement contre le piratage en ligne. Pas sûr, dans ces conditions, que le signal envoyé par le gouvernement soit des plus lisibles et appropriés…