En Côte d’Ivoire, avec l’apaisement des tensions politiques, le droit peut s’épanouir

Alors qu’un tiers des Ivoiriens disent avoir dû payer un pot-de-vin à un agent de service public en 2019 selon Transparency International, 43 policiers viennent d’être déférés pour des faits de corruption. Depuis quelques années, le pays se signale par sa volonté de faire respecter systématiquement l’ordre et la loi par l’ensemble de ses concitoyens, de l’homme de la rue à l’agent public. 

La Côte d’Ivoire confirme son statut de locomotive d’Afrique de l’Ouest. Cette place de prestige, le pays l’occupe depuis le “second miracle ivoirien”. Cela coïncide désormais avec l’apaisement certain des tensions politiques pour la plus grande satisfaction de sa population, en demande de réformes. Dans ce cadre, Abidjan s’attèle depuis quelques mois à faire passer un cap au respect du droit par ses concitoyens encore récalcitrants. Différents signaux indiquent que le pays s’affaire tous azimuts à prévenir et réprimer systématiquement les errements des fautifs. 

Division par 8 du nombre d’attaques sur les routes

Dans un pays fortement dépendant de ses axes routiers comme la Côte d’Ivoire, le phénomène des coupeurs de routes représentait un véritable fléau. Ces bandes armées qui détroussaient les voyageurs étaient généralement issues des rangs d’ex-combattants qui refusaient de participer au programme de démobilisation, de désarmement et de réintégration. Malgré quelques résurgences localisées (comme récemment dans la région du Bafing), l’effort national entrepris par la Gendarmerie a fini par payer. Selon le chef d’État-major des armées, le nombre d’attaques a été divisé par 8, ce dernier passant de 120 en 2017 à seulement 15 pour l’année 2020. 

Cette lutte contre la criminalité routière s’ajoute à une volonté de combattre l’incivisme routier. Elle a pour but de faire baisser drastiquement le nombre d’accidents de la route, autre fléau des routes du pays qui a endeuillé de nombreuses familles ivoiriennes en 2019 avec plus de 3 000 morts. Les autorités ont organisé à cet effet des distributions gratuites de casques pour les conducteurs de deux-roues et ont annoncé le 26 mai dernier la fin de la tolérance. Le début de la campagne de répression (7 septembre), afin de joindre l’acte à la parole, n’a pas manqué de provoquer le mécontentement des ”Gbakas”, chauffeurs de minibus des villes majeures, réputés pour leur conduite à risque. 

Pour avancer, Abidjan a fait appel à une start-up locale, Quipux Afrique, qui devrait offrir au pays un outil centralisé capable de vidéo-verbalisation. Cette technologie permettra une systématisation des amendes et donc une diminution du racket que peuvent encore opérer quelques policiers désignés comme ennemis par l’exécutif. 

Vers la fin de l’impunité pour tous ?

En effet, les fautifs issus de la société civile ne constituent pas les seules cibles d’Abidjan. Le pouvoir s’attelle également à réprimer plus fermement les comportements délictueux de ses propres agents. Pour cela, le pays s’est lancé depuis quelques années dans une campagne de répression et de sensibilisation. 

À Abidjan, des slogans tels que “Nous avons corrompu nos institutions, cela a ruiné notre pays” peuvent se lire sur d’immenses panneaux publicitaires. Alassane Ouattara a même déclaré être parti “en guerre » contre la corruption, et a créé une Haute Autorité de la Bonne Gouvernance (HABG). Le président a également mis en place en avril dernier, un “Ministère dédié à la bonne gouvernance et à la lutte contre la corruption”. Les autorités montrent les muscles, et n’ont pas hésité à annoncer la condamnation à de la prison ferme d’un policier pris en flagrant-délit de racket à hauteur de 500 FCFA, soit moins de 1 euro. 

Actuellement, une quarantaine de dossiers de policiers accusés de racket attendent d’être jugés au tribunal militaire d’Abidjan. Un nombre en nette augmentation, selon le procureur militaire Ange Kessi. « En l’espace de 10 ans, c’est à dire depuis 2011 jusqu’à maintenant, nous avons eu dans les 306 dossiers, des plaintes contre le racket. Donc ça veut dire qu’il y a 32 dossiers par an, un seul dossier par semaine. Dès la rentrée judiciaire, on a déjà programmé 43 dossiers qui vont s’ajouter à la quinzaine qui auraient pu être jugés mais qui n’ont pas encore été faits pour l’année passée. Donc c’est au moins une soixantaine de dossiers que nous allons juger. »

L’Assemblée nationale aussi semble suivre le mouvement. À la suite de l’affaire Al Moustapha, elle a annoncé vouloir sévir contre les fraudes de ses parlementaires. Pour rappel, fin août 2021, un scandale a éclaté après la révélation de l’existence d’un réseau de faussaires qui produisait et commercialisait de fausses exonérations d’élus à destination de particuliers afin de leur permettre d’échapper aux frais d’importation de véhicules. Selon le Procureur chargé de l’affaire, ils auraient bénéficié de la complicité de certains parlementaires, qui auraient cédé leurs attestations de droit à l’exonération moyennant finance.

Ces différents signaux indiquent que l’administration en place, à la faveur d’un climat politique apaisé, est décidée à faire passer un cap au respect de la loi et de l’ordre dans le pays. 

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