Pénurie des médicaments : l’Académie nationale de Pharmacie propose un plan en plusieurs volets

L’Académie nationale de Pharmacie a publié le compte rendu de conférence de presse du 20 mars faisant état de problèmes récurrents de ruptures de stocks d’approvisionnements de médicaments en France et dans le monde. S’agissant d’une question de santé publique, elle formule diverses recommandations pour répondre collectivement à ces pénuries.

En juin 2011, l’Académie nationale de Pharmacie avait déjà lancé une alerte sur la qualité des matières premières pharmaceutiques. Elle signale aujourd’hui les ruptures significatives et de plus en plus récurrentes de médicaments qui empêchent les officines de satisfaire les patients. Selon elle, 5% des commandes n’aboutiraient pas. Une proportion considérable en regard de la question sanitaire en jeu.

Elle a identifié diverses causes de pénuries liées notamment à la qualité défectueuse de certaines matières premières importées, à la faible rentabilité de certains médicaments, à des ruptures de stocks et des ruptures d’approvisionnement et aux difficultés rencontrés avec le système d’appels d’offres publiques. Il s’agit donc d’agir à différents niveaux, de l’amont à l’aval du circuit de production et de distribution. Une situation complexe mais l’enjeu est sanitaire et public. l’Académie est force de propositions pour limiter les impacts et la durée de ces pénuries à la fois sur du court et du long terme.

Garantir la qualité de certaines matières actives

Pour ce qui concerne les ruptures de certaines matières actives, l’Académie souligne l’urgence de la relocalisation de la fabrication des matières actives afin de s’assurer des sources rapprochées d’approvisionnement.

En outre, il est recommandé d’établir une liste des médicaments essentiels à la santé publique. Une recommandation inspirée par Hervé Gisserot, le président du Leem.

Pour garantir la qualité des matières premières importées, une directive européenne prévoit d’imposer aux pays exportateurs d’établir une confirmation écrite assurant que les substances importées sont conformes aux standards qualités européens et que les sites de fabrication sont inspectés régulièrement par les autorités. Pour parer aux éventuelles fausses confirmations écrites, l’Académie recommande de mettre en place une réglementation comparable à celle instituée par la loi fédérale américaine qui permettrait aux corps d’inspection d’aller contrôler les sites fabricants.

Europe : prendre des dispositions en cas de cessation de marché

L’Académie recommande en outre de prévoir des dispositions européennes équivalentes à loi française (Article L5124-6) en cas de cessation de marché pour les médicaments autorisés centralement. Pour le moment rien n’est prévu en la matière.

Selon cette loi : « L'entreprise pharmaceutique exploitant un médicament ou produit soumis aux dispositions du chapitre Ier du présent titre qui prend la décision d'en suspendre ou d'en cesser la commercialisation ou qui a connaissance de faits susceptibles d'entraîner la suspension ou la cessation de cette commercialisation en informe au moins un an avant la date envisagée ou prévisible l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé si ce médicament est utilisé dans une ou des pathologies graves dans lesquelles elle ne disposerait pas d'alternatives disponibles sur le marché français ».

Cette réglementation permettrait aux autorités nationales de trouver des solutions, soit en revalorisant les prix pour éviter la cessation de marché, soit en développant des solutions de transfert vers des acteurs industriels ou  autre organisme pharmaceutique publique. Cela permettrait, dans le cas où la sensibilité pour la santé publique est critique, de maintenir la production et la disponibilité des médicaments demandés.

L’Académie recommande aussi d’agir au niveau des grossistes-répartiteurs et de l’ensemble des acteurs de distribution. Il faudrait revoir avec eux les obligations de l’article R.5124-59 du code la santé de « satisfaire à tout moment la consommation de la clientèle habituelle durant au moins deux semaines ». Elle préconise de fixer aux grossistes-répartiteurs des obligations de résultats plutôt que des obligations de moyens pour assurer les services appropriés aux différentes typologies de médicaments.

Pallier la hausse des commandes publiques

L’émergence de structures d’achats regroupant de nombreux hôpitaux français peut conduire à des appels d’offres disproportionnées pouvant exercer une pression sur l’organisation du marché et pouvant donc provoquer à terme des ruptures d’approvisionnement nuisibles à la santé publique.

L’Académie recommande de mener une réflexion centrale au niveau de l’Etat pour contrer ces risques tout en mettant en place une vision proactive anticipant sur les besoins publics. Des garanties de la part du candidat concernant la sécurité d’approvisionnement accompagnées de clauses sur la qualité totale seraient également les bienvenues. Enfin, une base de données élaborée à l’échelle de l’Ansm permettrait d’articuler la demande des acheteurs hospitaliers et l’offre des exploitants.

Pénuries dans les officines : pour une meilleure information des pharmaciens

Dans le cas de pénuries dans les officines, l’Académie propose de mieux communiquer sur les numéros d’urgence existants afin que le pharmacien puisse se faire dépanner d’urgence. Elle préconise de constituer une plateforme d’information ANSM permettant de prendre connaissance des stocks disponibles.

Dans le cas des ruptures de stocks chez le fabricant, il est notamment nécessaire d’améliorer l’accessibilité de l’information par les prescripteurs et les pharmaciens et de modifier le système actuel de distribution des médicaments pour une importation exceptionnelle et transitoire visant à compenser une pénurie. Actuellement le patient doit aller chercher ces médicaments de remplacement à la pharmacie de l’hôpital, y compris pour les médicaments de ville.

Gageons que ces informations seront intégrées aux politiques de santé françaises et européennes. La santé publique l'exige.