Affaire Mazières : un parricide aux assises

Le 24 décembre 2010, Bernard Mazières, 60 ans, ancien rédacteur en chef adjoint du Parisien, est retrouvé mort à son domicile de Saint-Germain-des-Près (Paris VIe). Son fils, alors âgé de 17 ans, comparaît devant la cour d'assises des mineurs de Paris, avec son complice, âgé de 25 ans au moment des faits. 

Qu'est ce qui a pu pousser L. à commanditer le meurtre de son père ? Les experts sont perplexes face à ce qu'ils nomment une « énigme psychopathologique ». Après avoir dans un premier temps décrété aux enquêteurs que le meurtre était lié à un différend financier entre le père et le fils, ce dernier a changé sa version des faits, avouant avoir prévu le meurtre mais ne s'expliquant pas lui-même ce qui l'a poussé au parricide.

Un profond mal être à l'origine du meurtre

Bernard Mazières a 43 ans à la naissance de son fils ; ses amis le décrivent comme fou de joie, mais se demandent comment le journaliste va pouvoir se transformer soudainement en père de famille. La mère est âgée seulement de 20 ans, le couple est atypique et semble instable. Ils se séparent trois ans après la naissance de leur fils.

L. est élevé en garde alternée, une semaine chez sa mère, une semaine chez son père. L'enfant est choyé, grandit dans les meilleurs établissements scolaires. Mais à 14 ans, L. fume régulièrement du cannabis, sort beaucoup. Au fur et à mesure, son absentéisme devient tel qu'il est renvoyé de son lycée en juin 2010.

Pendant son adolescence, sa relation avec son père se dégrade ; Bernard Mazières reproche à son fils son absentéisme, ses sorties trop fréquentes et sa propension à dépenser. Au-delà de ses banales querelles, L. a confié aux enquêteurs avoir envisagé le suicide mais être trop attaché à la vie pour mettre fin à ses jours. Selon ses dires : « j'étais dans une impasse, mon père voulait faire de moi quelque chose que je ne suis pas ; c'était lui ou moi ».

D'une idée en l'air à la réalisation d'un parricide

Ce serait donc pour se protéger des projets de son père que L. aurait pris la décision de le supprimer. Seul « un grand malaise » ressort de l'instruction, L. n'ayant fourni aucune autre explication. L'idée même de tuer son père semble irréelle, sortie de nulle part. L. aurait évoqué l'idée que son père pourrait mourir ; un de ses amis, Dany, rencontré en boîte de nuit, alors âgé de 25 ans, aurait offert de se charger du meurtre. Dany aimait s'identifier à Patrick Bateman, le tueur psychopathe d'American Psycho ; il se vantait d'avoir « égorgé un dealer », crime pour lequel il a été condamné à 30 mois de prison ferme.

L. dit ensuite avoir « perdu les commandes » ; d'une idée en l'air, les deux amis se sont poussés l'un l'autre vers la réalisation du meurtre. Ils déterminent ensemble l'arme du crime et élaborent un plan. L. penche pour le poison, Dany préfère le marteau ; ce sera le marteau, renforcé par un coup de couteau. Ils achètent les armes ensemble, sans même prendre se débarrasser du ticket de caisse.

Puis L. et Dany mettent leur plan à exécution. Le 23 décembre, les deux amis se sont appelés 26 fois, avant de commettre l'irréparable. L. aurait appelé son père pour le prévenir que son ami Dany va passer récupérer un casque audio. Dany monte, L. l'attend en bas de l'immeuble. Là, Dany aurait  frappé Bernard Mazières à la tête avec le marteau puis l'aurait poignardé à la gorge.

La famille dans l'incompréhension

La famille de Bernard Mazières s'est constituée partie civile ; l'avocat de sa sœur, Richard Valeanu, explique que « [sa] famille a besoin de comprendre comment L. a pu en arriver là. En l'état actuel, c'est incompréhensible ».

Pour Maître Grégoire Lafarge, l'avocat de L., les seules explications résident dans des considérations psychologiques ; pour lui ce sont des « relations familiales extrêmement complexes qui ont abouti à son immense fragilité ».

Et les relations semblent se complexifier encore : l'instruction a révélé que Bernard Mazières n'était pas le père biologique de L. Sa mère a indiqué qu'elle même ne le savait pas. Cette révélation a surpris toute la famille.

En détention, l'enfant choyé, le fils prodigue, s'est mis à travailler ; il a obtenu son bac et suit actuellement ses études par correspondance. Il risque 20 ans de réclusion en tant que mineur.