Le Président de Djibouti appelé comme témoin par la justice britannique

La Haute Cour de Justice d’Angleterre s’apprête-t-elle à recevoir un hôte prestigieux ? C’est bien ce qu’il semble se profiler au regard de documents officiels qui appellent le Président de Djibouti à se rendre en qualité de témoin devant la Haute Cour de Justice afin d’aider les magistrats à faire la lumière sur l’imbroglio Abdourahman Boreh.

Homme d’affaires franco-djiboutien, Abdourahman Boreh est poursuivi par les tribunaux de Djibouti depuis sa disgrâce il y a près de dix ans. Afin d’étayer de nouvelles accusations contre lui qui ont été portée en Angleterre, la justice de Sa Majesté appelle aujourd’hui à la barre le président Ismaïl Omar Guelleh, chef d’Etat depuis 1999, et ancien proche de M. Boreh.

La justice britannique a tranché. Abdourahman Boreh n’est aucunement lié à des affaires de terrorisme et a, pour cette raison, décidé de lui rendre ses avoirs qui avaient été gelés (plusieurs millions d’euros). L’homme d’affaires avait été condamné à quinze ans de prison en 2009 par un tribunal de Djibouti pour ces mêmes faits de terrorisme. Condamné in absentia, l’homme doit rendre des comptes à la justice britannique qui a été saisie par les autorités de Djibouti, mais le résultat escompté peine à se concrétiser. Au lieu de condamner un des hommes les plus riches de Djibouti, les magistrats souhaitent entendre le président du pays en qualité de témoin afin de faire la lumière sur l’origine de la fortune d’Abdourahman Boreh.

L’ancien proche conseiller et confident du président n’en a en effet pas fini avec la justice puisque faute de l’avoir fait condamner en Europe pour terrorisme, Djibouti  tente de remettre en cause son empire en affirmant que sa fortune a été construite illégalement. En quête de preuves qui n’arrivent pas malgré les investigations, la justice anglaise aurait décidé de convoquer le président en exercice, Ismaïl Omar Guelleh, lequel connaît intimement le mis en cause. La pression constante des autorités de Djibouti pour faire condamner Abdourahman Boreh peut faire pencher la balance en faveur de la thèse de la défense, à savoir qu’il s’agit d’une cabale politique qui permettrait aussi de mettre la main sur sa fortune.

Un président en exercice se rendra-t-il devant les juges britanniques ? Même si ce n’est qu’en qualité de témoin, cette sortie ne serait peut-être pas la meilleure manière de faire parler de ce petit pays qui a su se faire une place sur le continent africain malgré un territoire et une population peu importants (environ 800 000 habitants pour 23 000 kilomètres carrés). Ces derniers mois, Djibouti a plutôt fait la Une des pages internationales avec la décision du président d’accorder à la Chine une base militaire qui vient « concurrencer » les bases française et américaine déjà présentes dans ce pays situé à un point stratégique de la planète. Djibouti borde le Golfe d’Aden et la mer Rouge, ce qui en fait un lieu hautement stratégique au large duquel des milliers de bateaux s’engouffrent pour alimenter l’économie mondiale.

D’économie il en est fortement question puisque la Chine place peu à peu ses pions dans le pays et supplante une à une les grandes compagnies occidentales parfois présentes depuis plusieurs décennies. Les entreprises et investisseurs chinois sont les bienvenus. L’accueil est si chaleureux que certaines voix commencent à s’élever pour dénoncer le jeu dangereux auquel se livrent les autorités. A l’image de plusieurs autres pays africains où la Chine se montre très « vorace », Djibouti semble succomber aux sirènes asiatiques sans de réelles contreparties. Est-ce uniquement dans un jeu subtil de balancier entre les grandes puissances qui ont un pied dans la région ? Dénouer les fils djiboutiens relève du casse-tête, mais il est certain que les prochains mois seront déterminants pour l’avenir du pays.

En effet, 2016 verra les électeurs se rendre dans l’isoloir et nul ne sait encore si Ismaïl Omar Guelleh se présentera pour un quatrième mandat. A la tête du pays depuis 16 ans, l’homme ne semble pas dans la démarche de vouloir laisser la place à une nouvelle génération. Ce qu’il reste d’opposition regroupée sous la bannière de l’Union de Salut National ne se fait pourtant guère d’illusion et croit dur comme fer que le président n’a pas fini sa longue carrière à la tête du pays. Un président en exercice et candidat (pas encore déclaré) à un nouveau mandat prendra-t-il le risque de venir devant les juges ? La réponse bientôt.