Côte d’Ivoire : Guillaume Soro est un « coupable idéal »

Si Guillaume Soro fait l'objet de plusieurs poursuites en Côte d'Ivoire, au Burkina Faso et en France, l'agenda politique et l’élection présidentielle de 2020 expliqueraient la détermination de ses opposants à jeter l'opprobre sur l'ancien Premier ministre et actuel président de l'Assemblée nationale ivoirienne.

Michel Gbagbo, le fils de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, aujourd'hui devant la Cour pénale internationale (CPI), a saisi la justice française d'une affaire d' « enlèvement, séquestration, traitements inhumains et dégradants » contre Guillaume Soro, ancien Premier ministre – sous Laurent Gbagbo notamment – et actuel président de l'Assemblée nationale. La juge d'instruction du Tribunal de grande instance (TGI) de Paris, Sabine Khéris, a délivré un mandat d'amener en décembre 2015 contre lui, tandis que son avocate, Maître Habiba Touré, s'est dite déterminée à poursuivre sa défense jusqu'au bout. « On compte bien aller jusqu’au procès dans le cadre de cette procédure », a-t-elle indiqué. L'intéressé affirme n'avoir jamais « refusé de [se] soumettre à la justice française », avant d’inviter la juge d'instruction à l'origine du mandat de venir assister le juge ivoirien, seul compétent pour connaître du litige.

« Montage »

Les ennuis judiciaires de Guillaume Soro ne s'arrêtent pas là. Il a notamment été inquiété pour son rôle potentiel dans la tentative de coup d’État à Ouagadougou (Burkina Faso), après que des écoutes téléphoniques ont révélé qu’il s’était entretenu à ce sujet avec l’ancien ministre burkinabé des Affaires étrangères de Blaise Compaoré, Djibrill Bassolé. Les deux hommes auraient ainsi soutenu la déstabilisation du gouvernement de transition, le premier donnant des conseils au second sur la stratégie à adopter. Mais aujourd'hui, la véracité de ces enregistrements est remise en question. L'analyse, réalisée par l’expert en acoustique Norbert Pheulpin, « conteste de façon formelle l’intégrité de la pièce audio concernée [qui] ne peut être présentée comme étant l’enregistrement intègre d’une interception téléphonique classique » d’après celui-ci. « L’hypothèse d’une intervention de type montage peut être objectivement retenue ».

La demande d'extradition, déposée par les autorités de Ouagadougou, s'est donc conclue par un échec en raison d'un vice de forme. L’Organe directeur du Parlement ivoirien avait vivement réagi à cette décision de l’État voisin : à la suite de l'annonce concernant le mandat d'arrêt, et après plus de trois heures de concertation, le Bureau du Parlement ivoirien avait tenu à faire connaître sa position. Ainsi s’était-il indigné et avait-il condamné, « avec la dernière énergie, cette attitude qui bafoue l’immunité parlementaire du président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire et qui pourrait sacrifier sur l’autel de la politique, les intérêts de deux peuples qui ont une longue tradition d’amitié et de fraternité ».

Coupable idéal 

Interrogé sur sa mise au ban de la vie politique ivoirienne, notamment lors de la venue de son homologue burkinabé Salif Diallo en mai dernier, Guillaume Soro affirme que ces affaires n'ont pas impacté son rôle à la tête du Parlement et qu'il bénéficie toujours du soutien d'Alassane Ouattara, l'actuel président de la Côte d'Ivoire. « Le président Ouattara, pendant plus de dix ans, a pu peser et jauger ma loyauté et ma fidélité à sa personne et je peux affirmer aussi que, jusqu'à aujourd'hui, le président ne m'a pas donné d'éléments ou d'occasions de douter. Donc, je suis en totale et pleine confiance avec le président de la République ». Si l'actuel chef de l’État lui témoigne toujours de son soutien, Guillaume Soro est devenu honni dans son pays, et même au-delà. A tel point que lui-même a été tenté de parler de « cabale ». « Il est le coupable idéal », dit-on dans son entourage. « Si le soutien aux putschistes burkinabés existait bien en Côte d’Ivoire, il ne faut pas le chercher du côté de Soro ou de la présidence », ajoute une autre source ivoirienne.

Numéro deux de l’État ivoirien, Guillaume Soro, qui s'est dit « galvanisé par l'adversité », a affirmé son intention de se présenter à sa propre succession en novembre prochain lors des élections législatives pour conserver son poste de président de l'Assemblée nationale. S'il n'entend pas renoncer aux prochaines élections législatives, ses ambitions pourraient même le porter plus loin, jusqu'au poste de président de la République, dont les élections se tiendront en 2020. « Diriger un pays va au-delà de l’ambition personnelle. Les Ivoiriens me connaissent depuis que j’ai été leader étudiant et je crois me classer dans la catégorie des hommes de mission et non d’ambition. Aujourd’hui, je suis à l’Assemblée nationale et j’espère réussir ce mandat. »

 

Crédits photo : archives AFP

 

 

 

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